L'indexicalité

Cet outil ethnométhodologique avait déjà été défini par la linguistique pour désignerle "hic et nunc" d'un discours comme référence impérieuse au contexte.
Exemple :

-tu diras à ta mère que jeviendrai la voir demain ,

le "tu" est fonction du locuteur (je, celui qui parle) et fonction de celui à qui l'on s'adresse (l'auditeur), "demain" est fonction de la date d'énonciation du discours.

(7)Patrick PHARO,Problèmes d'epistémologie en sciences sociales III,Paris EHESS, et CNRS, 1994 citéparAlain COULON,L'ethnométhodologie, Que sais-je ?, PUF, 1987

(8)Georges LAPASSADE, La phénoménologie sociale et l'ethnométhodologie, DESSEthnométhodologie et informatique,année universitaire 1992-1993

Tu, ta, je, demain constituent les termes indexicaux du discours.

L'indexicalité est un outil qui nous impose d'en revenirconstamment au lieu et au temps de l'action.

Il est ainsi impossibled'établir quelque conclusion dans un schéma général qui ne tiendrait pas compte du contexte d'une situation.

L'indexicalité implique un lieu, un temps, un espace, une durée, à l'inverse de "l'expression objective" (tous les hommes sont mortels) qui ne génère pas son sens à partir du contexte présent mais reste une tautologie.

L'idiot culturel

Garfinkel affirme que c'est une erreur profonde que de croire et de tabler sur le fait que les membres du corps social ne comprennent pas les forces dont ils sont les enjeux, les lois qui régissent leurs réactions, les pressions que subissent leurs comportements.
L'individu dans le corps social, loin d'être la proie d'un déterminisme aveugle qu'il

méconnaîtrait et subirait, crée au contraire librement, de façon volontaire et calculée, réfléchie et consciente, les liens sociaux qu'il régénère de façon organique à tout moment et de sa propre initiative.

Selon A. Coulon : "Garfinkel renverse le rapport de l'acteur à son milieu ; il sape la tendance sociologique consistant à opposer le caché et le manifeste. Pour la sociologie en effet, le sens des actions des membres n'est accessible qu'au sociologue professionnel. Lui seul, comme le psychanalyste avec son client, est capable d'élucider le secret social des conduites humaines.

L'acteur ignore la source de ses actions de tous les jours, il ne sait pas qu'il va au musée ou qu'il fait de la photo parce qu'il appartient aux classes moyennes."(9)

(9)Alain COULON, L'ethnométhodologie, Que sais-je ?, PUF, 1987, p 50

La méthode documentaire d'interprétation

Ce terme est emprunté à Karl Mannheim ; celui-ci le réservait à une connaissance savante, tandis que Garfinkel le destine d'ores et déjà au domaine profane, au domaine du quotidien où intervient tout acteur social.
Afin d'expérimenter la méthode documentaire d'interprétation dans ce secteur, Garfinkel va mettre en place un dispositif dans une université américaine. Il invitera dix étudiants à participer à l'expérience menée au département de psychiatrie qui consistait à étudier les méthodes différentes de psychothérapie. En réalité le psychothérapeute menant l'expérience n'était qu'un sociologue, collaborateur de Garfinkel.

Les consultants avaient droit à dix questions auxquelles le prétendu psychothérapeute allait répondre mais ce dernier, au début de l'entretien, avertissait les consultants qu'il n'y répondrait que par oui ou par non.

Il faut savoir que la grille des réponses était pré-établie, qu'elle était identique pour tous les consultants.

Tous les étudiants participants, loin d'être désarçonnés ou déboussolés par les réponses

données, s'empressaient de les rendre cohérentes par un commentaire verbal.

Comme l'a constaté Garfinkel : "aucun des sujets n'a eu de difficultés à aller jusqu'au bout de la série de dix questions ni à résumer et évaluer les conseils"(10) comme on lui demandait de le faire après chaque réponse.

Cette expérience montrait que chaque étudiant possédait une méthode pour légitimer la

réponse du pseudo-conseiller, il y ajoutait un discours explicatif qui interprétait le discours reçu. Ainsi l'étudiant nourrissait les réponses du psychothérapeute en lui prêtant ou en lui opposant des arguments tirés de son proprevécu.

(10)HaroldGARFINKEL ,Studiesin ethnomethodology ,Englewood cliffs, 1984, chap III

Nous comprenons dès lors que le sociologue savant use également de la même méthode documentaire d'interprétation quand, dans un souci explicatif complémentaire, afin d'alimenter au cours de ses travaux des réponses effectuées par les sujets étudiés qui renforcent ses propres thèses, il réinterprète les propos tenus par les acteurs sociaux.

Cette méthode documentaire d'interprétation est fréquemment utilisée dans la vie courante : dispute de palier, discussion politique, débat de ciné-club où chacun nourrit d'arguties son interprétation préalable des faits.

Cependant nous ne pouvons comprendre la méthode documentaire d'interprétation sans parler du "pattern" compris comme ce qui est "accountable", c'est à dire rapportable-

observable-descriptible, qui renvoie à un sens, et donc à un processus d'interprétation.(11)

"le pattern, c'est le thème mais c'est aussi la procédure d'énonciation - dire et comment dire : les éléments de biographie communs à deux personnes, la gêne, la complicité, la conduite de la vie familiale... Le pattern appartient aux éléments de la connaissance de sens commun, aux faits sanctionnés socialement. L'accountability du pattern est supposée connue de tous.

C'est pourquoi dans l'organisation d'une activité pratique comme la conversation, il est fait sans arrêt référence à un pattern pour comprendre les éléments de détail, les indexicaux de la conversation. Le langage est de ce point de vue le milieu naturel d'exhibition et de confection des patterns."(12)

Le pattern est donc ce modèle de référence qui n'émerge pas explicitement lors de la conversation, mais qui pourtant sous-tend la communication.

Exemple : les débats des jurés reposent sur la crédibilité accordée à l'enquête policière. De faiton ne juge pas le degré de culpabilité de l'accusé mais le degré de crédibilité des enquêteurs, des témoignages.

(11)Alain COULON, L'ethnométhodologie, Que sais-je ?, PUF, 1987, p54

(12)Jaqueline SIGNORINI, 1985,de GARFINKEL à la communauté électronique

géocub, inAlain COULON,L'ethnométhodologie, Que sais-je ?, PUF, 1987,p54