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Indexicalité et machine divinatoire
 
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De :Philippe-Charles Nestel
Objet :Re: "Vérité négociée"
Groupes de discussion :fr.sci.philo, fr.soc.complots
Date :2002-04-16

fda wrote:

> Philippe-Charles Nestel wrote:
>
> > L'écriture n'est pas seulement un respect de règles éternellement
> > établies
>
> Elles ne l'ont pas été dans le passé, nuance. Un gros effort a été
> entrepris au XIXème siècle pour fixer le français dans ses détails,
> parce que la très large diffusion de l'imprimé commençait à l'exiger
> sérieusement. Maintenant que les textes sont stockés mar milliers de
> mégaoctets, on ne peut peut plus revenir commodément sur ce qui existe.

Si justement. Le groupe Paragraphe de l'université Paris 8 s'évertua, au
moment où Ted Nelson répandait le concept d'hypertextes, d'élaborer
sa propre théorie en prenant le paragraphe comme unité de sens.
 Cf. "Texte, Hypertexte, Hypermédia" de Roger Laufer et Domenico
Scavetta, PUF (collection : Que sais-je?), 1992.

Jacques Drillon (déjà référencé dans mon post précédent), dans
"traité de la ponctuation française", citant toujours Grévisse définit
le paragraphe comme étant un groupe d'idées, définition qu'il modère
en énonçant dans le même temps :

"Distinguer un alinéa d'un paragraphe n'est pas chose simple (...),
il faudrait donc changer de sujet pour passer d'un paragraphe à l'autre.
Dans la pratique, cette distinction n'est pas toujours suffisante."

Et le groupe Paragraphe en sait quelque chose. Dans la pratique,
les textes qui sont stockés par milliers de  mégaoctets , n'obéissent
pas toujours aux mêmes règles.

Dans l'article "Arbitraire du sens et rigidités du sens,  " breaching "",
Yves Lecerf écrit :

"Dans toute machine (et l'on peut comparer en cela un petit groupe
social et une machine), les principaux codes de communication sont au
départ largement arbitraires. Leur choix peut se négocier. Mais après ce
choix, et une fois que des accomplissements pratiques ont commencé à
se dérouler, une fois que des masses importantes de définitions locales ont,
sur cette base, été construites, il devient très difficile de renégocier une
modification des codes les plus fondamentaux. Le groupe perçoit alors ces
tardives remises en cause comme destructrices et leur oppose de fortes
résistances ; (résistances, que met en évidence le " breaching "). Le groupe
devient même alors de façon rigide générateur d'inductions. "

Référence : http://perso.club-internet.fr/vadeker/corpus/lexique.htm#11

L'axiome selon lequel : " on ne peut peut plus revenir commodément sur
ce qui existe ", vaut donc également pour "les textes stockés par milliers
de mégaoctets" qui n'obéissent pas aux mêmes règles.

Cf. à ce propos le conflit qui opposa le logicien mathématicien Bar Hillel
à la grammaire générative d'un Noam Chomsky. Bar Hillel démontra
 l' impossibilité de constuire une machine capable d'interpréter les
langues naturelles. Du fait de l'indexicalité,  disait-il les langues
naturelles ne sont pas vraiment définies.

Même lorsqu'une machine est supposée pouvoir remplir une fonction cognitive
- écrit Yves Lecerf dans son lexique ethnométhodologique - (c'est-à-dire
même lorsqu'une machine a pu être construite et fonctionne " convenablement " au
sens commun du terme, par exemple comme un système expert), il n'en reste pas
moins qu'il y aura indexicalité dans l'interprétation des messages que cette
machine envoie ; ce qui fera apparaitre  l'équivalent d'une dimension divinatoire de fait
au niveau de son utilisation.

Référence : http://perso.club-internet.fr/vadeker/corpus/lexique.htm#55
 

> Dans le futur, il reste possible d'ajouter des mots et de nouvelles
> formes verbales, mais il faudra de bonnes raisons pour cela (comme pour
> tout bâtiment architecturé, qui ne se modifie pas comme une paillotte).

"Dans le futur"... Lecerf n'avait donc pas tort d'évoquer la dimension
divinatoire.
[...]