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Au sujet de l'indexicalité et de l'intentionalité en ethnométhodologie
par Charlie Nestel
 
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De :Philippe-Charles Nestel
Objet :Re: Grammairiens, s'il vous plait
Groupes de discussion :fr.education.divers
Date :2000-11-12 06:31:04 PST
 

Dominique.Serge.Raf wrote:

> C'est un peu du pareil au même, le problème sur les news, c'est qu'on
> n'a pas la tête de l'interlocuteur en face de soi pour y voir
> l'intention qu'il met dans son propos ;-(

Je me permets d'intervenir dans ton message pour dire que tu viens de
mettre en lumière le phénomène de l'indexicalité. Il m'arrive souvent de
m'y réferer comme s'il s'agissait d'un allant-de-soi, et les lecteurs
qui t'auront lu comprendront peut-être mieux ce que je veux dire lorsque
j'évoque le phénomène de l'indexicalité où le sens ne peut être
interprété qu'en contexte. CE qui invalide l'hypothèse de la grammaire
générative d'un Noam Chomsky qui s'était proposé, dans les années 60, de
faire une machine de traduction universelle.

je voudrais profiter de cette occasion pour rendre hommage à une
informaticienne, discrète, que personne ne connaît et qui constitue à
mes yeux l'une des pionnières, une dizaine d'années avant la publication
de la "cathédrale et le bazar", de l'analyse des écarts d'interprétation
provoquant  la nécessité de réajuster continuellement ses positions,
dans un groupe de travail électronique.

Valentin Lacambre a eu Jacqueline Signorini comme professeur au CNAM. En
bon libertaire il garde une profonde aversion pour l'institution
scolaire, mais le respect qu'il porte à Jacqueline Signorini va bien au
delà du respect que portent certains étudiants à leurs professeurs. Il
s'agit là, un peu à l'image des compagnons du tour de France, du respect
porté par un compagnon à quelqu'un considéré(e) comme un(e)
maître/maîtresse dans un art de...

Or cette femme de l'art, considérée par ses pairs comme une excellente
didacticienne/informaticienne, est à l'origine une philosophe, auteur
d'une thèse sur Kant. Ce qui l'amena à être sollicitée par des
universités américaines...

Etant membre du courant radical de l'ethnométhodologie, je dispose chez
moi du premier travail universitaire où furent traduits et élaborés les
concepts qui constituèrent la base de ce courant. Il s'agit d'une étude
de DEA d'anthropologie, sous la direction d'Yves Lecerf fondateur du
département informatique de l'université Paris 8 avec Patrick Greussay
(auteur de l'un des premiers LISP libre) et Harald Wertz (qui venait du
MIT et co-auteur avec Patrick Greussay d'un ouvrage sur le LISP). Cette
étude porte sur le fonctionnement d'une communauté d'informaticiens du
réseau Géocub, au début des années 80. Pour travailler ensemble, ces
informaticiens, expérimentant les premiers outils d'une communication
non verbale, ont dû négocier des procédures, des protocoles, inventer
des règles qui contribueront à ce que l'on appellera plus tard la
netiquette.

Dans cette étude, Jacqueline Signorini, reprend le concept de
"révolution copernicienne" de Kant, pour oser le concept de "double
révolution copernicienne", à propos de la double réflexivité (concept
issu de la phénoménologie) entre l'action de dire et l'action de faire,
du concept garfinkelien "d'accountability".

Pour Garfinkel, un compte rendu de terrain est réflexif de la manière de
faire, que ce soient une recette de cuisine, un rapport, une procédure
divinatoire, l'énoncé d'un exercice scolaire. Ce qui pose la question du
sens commun lié au caractère irrémédiable de l'indexicalité.
Indexicalité, mise en lumière par le logiciel-mathématicien Bar Hillel
qui démontra l'impossibilité d'une grammaire générative par l'existence
dans les langues naturelles, d'expressions qualifiées par les linguistes
de déictiques.

En ce sens, l'ethnométhodologie est une épistémologie des savoirs
profanes dans la mesure où, elle n'opère pas de hiérarchie de valeur,
entre le savoir-savant et le savoir-profane. Les deux constituant un
ensemble de règles et protocoles propres à une micro-culture emprunte de
sens commun.

J'arrête là pour le moment.

Cordialement Charlie


De :Philippe-Charles Nestel
Objet :Re: Grammairiens, s'il vous plait
Groupes de discussion :fr.education.divers
Date :2000-11-12 10:37:02 PST
 

Cyborg wrote:

> L'intention c'est indépendant du sens ?

Je ne sais pas quelle est ton intention en posant cette question dont je
ne peux saisir le sens...
Dans le doute, je suis contraint d'opérer ce que l'éthnométhodologie
qualifie de "méthode documentaire d'interprétation" (référence à des
patterns anciens). Ce qui, d'emblée, soulève l'existence, au minimum,
d'une double intention ; celle de l'auteur, celle du lecteur
occasionnel.

La question de l'intention est donc inséparable du contexte
d'énonciation de l'auteur, et du contexte d'interprétation du lecteur
occasionnel.

Pour répondre à ta question, le sens (commun) serait donc une
fabrication d'intentions en interaction...
 
 

> >je voudrais profiter de cette occasion pour rendre hommage à une
> >informaticienne, discrète, que personne ne connaît et qui constitue à
> >mes yeux l'une des pionnières, une dizaine d'années avant la publication
> >de la "cathédrale et le bazar"
>
> Ouvrage important ?

Oui si l'on s'intéresse à la sociologie des organisations, à la genèse
de l'Open-source, etc...
Ce qui ne signifie pas que j'adhère à l'ensemble des thèses qui y sont
développées. Je reste très critique tout en considérant qu'il s'agit
d'un texte de référence incontournable.
 

> >En ce sens, l'ethnométhodologie est une épistémologie des savoirs
> >profanes dans la mesure où, elle n'opère pas de hiérarchie de valeur,
> >entre le savoir-savant et le savoir-profane. Les deux constituant un
> >ensemble de règles et protocoles propres à une micro-culture emprunte de
> >sens commun.
> >
> >J'arrête là pour le moment.
>
> Urgence culinaire ? ;-)

Nécessité de pause dans un texte écrit à la volée comprenant un nombre
de références limites.

Charlie


De :Philippe-Charles Nestel
Objet :Re: Grammairiens, s'il vous plait
Groupes de discussion :fr.education.divers
Date :2000-11-12 15:17:03 PST
 

Cyborg wrote:

> >Je ne sais pas quelle est ton intention en posant cette question dont je
> >ne peux saisir le sens...
> Ca c'est pas de chance.

Pas de chance pour qui ?

J'avais écrit : "(...) où le sens ne peut être interprété qu'en
contexte".
Tu as répondu : "L'intention c'est indépendant du sens ?"

Il n'est pas possible d'interpréter le sens de ta question sans que tu
ne précises ton intention... Et ce afin de contextualiser tes propos.
Que veux-tu dire par "l'intention c'est indépendant du sens" ?
 

> >Dans le doute, je suis contraint d'opérer ce que l'éthnométhodologie
> >qualifie de "méthode documentaire d'interprétation"
>
> Ca c'est gentil.

N'ayant pas suffisament d'éléments pour comprendre l'intention
sous-jacente à ta question, la méthode documentaire en question
consistait à lui attribuer une intention fondée par un raisonnement par
induction de type : intention -> objectifs; dans la mesure où nous
avions échangé des propos sur la "pédagogie" par objectifs.
La méthode documentaire d'interprétation fonctionne comme une sorte de
machine divinatoire qui permet d'accorder du sens, sans cesse réajusté
au fur et à mesure des nouvelles interactions. C'est que les
ethnométhodologues qualifient, dans leur langue de bois, par "infinude
de l'indexicalité".
...