Application du protocole MOE à l'incident de Phoenix (1997) : une praxéologie de l'enquête en contexte d'incertitude radicale


Avertissement : Ce document constitue une analyse de cas avancée, destinée à une audience académique (sociologie, sciences cognitives, études stratégiques) et à des décideurs institutionnels. Il ne vise pas à établir la nature ontologique des événements du 13 mars 1997, mais à fournir une méthodologie robuste pour l'analyse de phénomènes anormaux complexes.


Introduction : du mystère à la méthode

 

L'incident des "Lumières de Phoenix" du 13 mars 1997 demeure un cas d'étude paradigmatique, non seulement par son ampleur – des milliers de témoins, une couverture médiatique nationale – mais surtout par la complexité de son écologie informationnelle. Le cas est un enchevêtrement de témoignages crédibles, d'explications officielles contradictoires, d'accusations de désinformation et de rétractations politiques spectaculaires. Un tel contexte, saturé de bruit et de secret, paralyse les méthodologies d'enquête traditionnelles qui cherchent une "vérité" factuelle unique.

C'est précisément dans ce type de contexte que le Module Opérationnel Ethnométhodologique (MOE) révèle toute sa puissance. Au lieu de tenter de filtrer le bruit pour trouver un signal, le MOE considère le bruit lui-même – la désinformation, les contradictions, les opérations psychologiques – comme l'objet central de l'analyse. L'objectif de ce rapport est de déployer le protocole MOE pour produire une cartographie de la complexité de l'incident de Phoenix. Nous analyserons comment les différents acteurs ont pratiquement accompli la tâche de construire, maintenir, et contester différentes versions de la réalité. Cette analyse servira de fondement pour proposer des pistes de réflexion sur la gestion de l'infinitude de l'indexicalité et pour esquisser une méta-analyse à des fins d'anticipation stratégique.


Partie 1 : Praxéologie MOE, l'enquête locale et la cartographie des rationalités

Le MOE impose de commencer par le terrain, en suspendant tout jugement sur la nature du phénomène pour se concentrer sur les actions concrètes des acteurs.

 

1.1. L'immersion contextuelle : Phoenix, 1997

L'enquête MOE ne commence pas avec le témoignage, mais avec le contexte. Phoenix en 1997 est une métropole en pleine expansion, dans un État (l'Arizona) à forte présence militaire (Luke Air Force Base) et avec une histoire riche en phénomènes aériens inhabituels. Cette double culture – civile et militaire – est un élément clé : elle préstructure les "stocks de connaissances" que les témoins et les institutions mobiliseront pour donner du sens à l'événement.

 

1.2. Identification des acteurs et de leurs "rationalités locales"

Le MOE exige de ne pas traiter tous les acteurs comme de simples "sources", mais comme des membres de cultures distinctes, chacune opérant selon sa propre rationalité locale.

 

1.3. Analyse des accomplissements pratiques

Le cœur de l'analyse MOE est l'étude des accomplissements pratiques (practical accomplishments) des acteurs.


Partie 2 : Méta-analyse MOE, gestion de la complexité et de la désinformation

Une fois l'enquête locale cartographiée, le MOE permet de monter en abstraction pour analyser la dynamique du cas sur le long terme.

 

2.1. La désinformation comme objet d'étude et modèle théorique

La controverse "objet en V contre flares" est le cœur du cas de Phoenix. Une enquête traditionnelle s'épuiserait à chercher la "vraie" explication. Le MOE, lui, étudie cette controverse comme un phénomène en soi.

 

2.2. Contrôler l'infinitude de l'indexicalité

Un défi majeur dans une enquête comme celle-ci est l'indexicalité : le sens de "c'était immense" ou "très rapide" dépend entièrement du contexte non verbalisé du témoin. Le MOE ne cherche pas à "résoudre" ce problème par une vaine quête d'objectivité. Il le contrôle par une méthode rigoureuse :

  1. En saturant le contexte : L'enquêteur MOE ne se contente pas du récit. Il doit reconstituer le plus finement possible le contexte de l'observation (lieu, heure, conditions météo, état émotionnel du témoin).

  2. En se focalisant sur les comparaisons : Il demande au témoin de comparer l'inconnu au connu ("plus grand que quoi ?", "plus rapide qu'un avion de ligne ?").

  3. En analysant le travail de description : Il analyse comment le témoin accomplit la tâche de décrire une taille ou une vitesse. Le choix des mots, les hésitations, les gestes sont des données sur la manière dont le sens est pratiquement construit. L'objectif n'est pas d'obtenir une valeur "objective", mais de comprendre la signification de l'expression dans le monde vécu du témoin.

 

2.3. Cas d'étude : la trajectoire du Gouverneur Fife Symington

Le cas de Fife Symington est un exemple parfait pour une analyse MOE. Son passage du statut de "dissimulateur" à celui de "repenti" n'est pas analysé en termes psychologiques ("remords"), mais comme un changement de rationalité locale lié à un changement de contexte.


Partie 3 : Redéfinition du global, vers une anticipation stratégique

Le MOE, par sa rigueur, permet de passer de l'analyse de cas à la modélisation à des fins stratégiques.

 

3.1. Du local au global : la mise à l'échelle du MOE

Le modèle MOE est scalable. L'analyse locale de Phoenix révèle des patrons de comportement des acteurs (militaires, médias, politiques). En comparant ces patrons avec ceux d'autres cas majeurs (ex: les incidents du Nimitz, Malmstrom, Rendlesham Forest), on peut commencer à modéliser des invariants dans la manière dont les sociétés et les institutions gèrent les ruptures de sens. L'intégration de nouvelles données (par exemple, des données sur la panique boursière ou les flux sur les réseaux sociaux lors d'événements futurs) ne change pas le modèle, mais enrichit les variables de la simulation.

 

3.2. Pistes pour une méta-analyse et des simulations stratégiques

Le cas de Phoenix, analysé via le MOE, devient la base d'un programme de simulation pour les décideurs. L'objectif est de préparer les institutions à une future "Phoenix" sur une autre grande ville.


Conclusion

L'application du Protocole MOE à l'incident de Phoenix ne nous dit pas ce que les lumières étaient. Elle nous montre quelque chose de plus fondamental : elle cartographie le champ de bataille de la construction de la réalité. Elle révèle avec une précision clinique les méthodes pratiques que tous les acteurs, du citoyen au gouverneur, ont utilisées pour tenter de donner un sens à un événement qui a brisé le cadre du sens commun. En transformant un mystère insoluble en un laboratoire observable des dynamiques socio-cognitives, le MOE ne fournit pas de réponses, mais une méthode rigoureuse pour poser les bonnes questions. Pour les décideurs politiques et les institutions de sécurité, il offre un passage de la réaction à l'anticipation, en fournissant un cadre pour simuler et se préparer à la gestion de la prochaine rupture inévitable de notre réalité partagée.