Avertissement : cette analyse fait partie d'une étude de corpus, se référer au contexte éditorial, et au contexte pédagogique correspondant à cet article. Nous faisons évoluer une analyse critique pour constituer par étape successives, la modélisation d'un autre "modèle hybride cognitif multimodal".
Analyse stratégique et phénoménologique d'un cas de PAN de type D: une application du MCEI au corpus SCAR-AP
Objectif: démontrer l'applicabilité et la supériorité explicative du MCEI en le déployant sur un cas documenté, afin de passer d'une description des faits à une modélisation de la dynamique de construction de la réalité. Le corpus SCAR-AP est présumé contenir les éléments d'un cas concret, incluant le témoignage, les rapports d'enquête et les analyses subséquentes.
Phase 1: Déconstruction systémique du dossier existant (analyse de niveau 3)
Cette première phase consiste à analyser le dossier tel qu'il nous est parvenu, en utilisant la grille de lecture de la systémique de Palo Alto pour cartographier la pathologie interactionnelle à l'œuvre. L'objectif est de comprendre comment le "cas" a été socialement et institutionnellement construit.
1.1. Cartographie des acteurs et des "tentatives de solution"
Nous allons d'abord identifier tous les acteurs mentionnés dans le modèle SCAR-AP et analyser leurs actions comme des "tentatives de solution" qui, paradoxalement, maintiennent le problème en vie :
Le(s) témoin(s): sa tentative de solution est le témoignage. L'objectif est de réduire l'angoisse de la rupture phénoménologique en la partageant et en la faisant valider par une autorité (gendarmerie, enquêteurs). Le problème que cette solution crée est la transformation d'une expérience subjective et ineffable en un "fait" objectif et rigide, qui devient alors la proie des jeux sociaux.
Les enquêteurs (privés/officiels): leur tentative de solution est l'enquête. L'objectif est de réduire l'anomalie en la faisant rentrer dans une catégorie connue (méprise, phénomène naturel, canular) ou, à défaut, en la documentant de manière "objective". Cette solution crée le "mystère" en certifiant officiellement qu'il y a un résidu non identifiable, fournissant ainsi le carburant essentiel au système.
Les experts scientifiques: leur tentative de solution est l'analyse technique. L'objectif est de produire des données chiffrées et des conclusions basées sur des preuves matérielles. Cette solution, lorsqu'elle ne conclut pas à une explication triviale, génère des données "anormales" qui deviennent des fétiches dans le débat, déconnectés de l'expérience originelle.
La société (médias, sceptiques, croyants): leurs tentatives de solution sont la narration (médiatique), la réfutation (sceptique) et la confirmation (croyante). Chacune de ces solutions renforce les autres dans une escalade symétrique, créant un "jeu sans fin" dont le but n'est pas la vérité, mais la continuation du jeu lui-même.
1.2. Modélisation du "jeu" interactionnel
Une fois les tentatives de solution identifiées, nous modéliserons le "jeu" global. À partir du corpus, nous tracerons les boucles de rétroaction: comment le rapport d'enquête (solution de l'enquêteur) nourrit la narration médiatique, qui à son tour renforce les positions des croyants et des sceptiques, dont le conflit oblige les institutions à une communication prudente (le silence ou le déni étant une communication en soi), ce qui alimente les théories du complot, etc. Nous montrerons que le système est un circuit fermé, parfaitement stable, dont l'équilibre est maintenu par les efforts mêmes de chaque acteur pour le déséquilibrer en sa faveur.
Phase 2: Modélisation de l'expérience vécue (analyse de niveaux 1 & 2)
Cette seconde phase est la contribution la plus novatrice du MCEI. Elle ne se contente pas d'analyser le dossier existant, elle propose une nouvelle investigation visant à modéliser l'événement cognitif initial.
2.1. Objectif: cartographier la "signature énactive" du témoin
L'objectif n'est pas de revérifier les faits, mais de comprendre comment le monde du témoin a été énacté au moment de la perturbation. Nous cherchons à reconstituer la "crise autopoïétique" et l'acte énactif qui a suivi.
2.2. Méthodologie: le protocole de l'entretien d'explicitation neurophénoménologique
Si le témoin est accessible (ou sur la base de son témoignage le plus brut possible), nous appliquerons un protocole d'entretien inspiré des travaux de Varela et Vermersch. Les questions ne porteront pas sur le "quoi", mais sur le "comment" de l'expérience :
Temporalité: "Juste avant que la chose n'attire votre attention, dans quel état d'esprit étiez-vous ? Comment le temps semblait-il s'écouler pendant l'observation? Y a-t-il eu des moments où il semblait s'accélérer, ralentir, ou s'arrêter ?"
Spatialité et agentivité: "Où ressentiez-vous les limites de votre corps? Le phénomène semblait-il simplement 'devant' vous, ou l'expérience était-elle plus immersive? Aviez-vous le sentiment de pouvoir agir, ou étiez-vous 'figé' ?"
Processus cognitif: "Pouvez-vous décrire le moment précis où vous avez réalisé que ce que vous voyiez était anormal? Quelles ont été les toutes premières pensées ou étiquettes qui vous sont venues à l'esprit ? Lesquelles avez-vous rejetées, et comment ?"
Dimension incarnée (embodiment): "Quelles sensations physiques avez-vous ressenties, et à quel moment ? Une chaleur, un picotement, une pression? Comment votre corps a-t-il réagi avant même que vous n'ayez eu le temps de penser ?"
2.3. Analyse de la "perte à la traduction"
Nous comparerons ensuite les données riches et granulaires de cet entretien (la structure de l'expérience analogique, de l'hémisphère droit) avec le procès-verbal ou le rapport d'enquête initial (la narration digitale, de l'hémisphère gauche). Nous identifierons les points de friction, les métaphores utilisées par le témoin pour combler les vides, les simplifications logiques imposées par le format de l'enquête. Cette "perte à la traduction" est le lieu exact où le phénomène, en tant qu'objet cognitif, se construit.
Phase 3: Synthèse et validation du modèle
3.1. Une relecture complète du cas
La synthèse finale articulera les trois niveaux. Elle démontrera comment une perturbation initiale (dont la nature physique reste agnostique) a provoqué une crise autopoïétique chez un organisme incarné. Cet organisme a répondu par un acte énactif (l'expérience vécue de l'OVNI). Cet acte, une fois traduit en tentative de solution (le témoignage), a injecté une information paradoxale dans le système social, qui s'est alors mis à tourner à vide selon ses propres jeux pathologiques.
3.2. Validation du MCEI
L'application de ce protocole validera le MCEI en montrant sa capacité à :
Expliquer plus d'éléments du cas: le modèle intègre l'expérience subjective, les processus cognitifs et les dynamiques sociales dans un cadre unique et cohérent.
Dissoudre les faux problèmes: la question de la "réalité" de l'objet est remplacée par l'analyse de la réalité de l'expérience et de la construction de la réalité sociale.
Produire de nouvelles connaissances: le protocole génère des données inédites (la structure fine de l'expérience vécue) là où les enquêtes classiques ne produisaient que des faits ambigus.
3.3. Implications et nouvelles perspectives
Cette application concrète démontre que le MCEI est un outil opérationnel. Il permet de transformer l'ufologie d'une pseudo-science collectionnant des "preuves" en une science de la cognition incarnée face à l'anomalie. Chaque "cas" d'OVNI devient une opportunité précieuse d'étudier les mécanismes de la conscience humaine, la pragmatique de la communication et la biologie de la connaissance.