De la systémique informationnelle à une phénoménologie cybernétique : analyse et augmentation du modèle « Ufosystémique » pour l'étude des phénomènes aérospatiaux non identifiés
Cas d'étude : analyse du document "Ufosystémique", (COBEPS, 2013)
Avertissement : cette analyse fait partie d'une étude de corpus, se référer au contexte éditorial, et au contexte pédagogique correspondant à cet article. Nous faisons évoluer une analyse critique pour constituer par étapes successives, la modélisation d'un autre "modèle hybride cognitif multimodal"
Abstract : Le présent article effectue une analyse critique et une augmentation conceptuelle du modèle « Ufosystémique ». L'analyse initiale révèle la pertinence du modèle en tant que structure formelle pour l'étude du phénomène OVNI, le déplaçant d'une quête ontologique pré-scientifique vers une analyse de système complexe. Cependant, ce modèle, artefact d'une pensée de premier ordre, présente des limitations épistémologiques inhérentes à la cognition humaine. Nous proposons une refonte de ce cadre en y injectant des principes issus de la cybernétique de second ordre, de la physique quantique, de l'ethnométhodologie et des sciences cognitives. L'objectif est de transformer une architecture de traitement de l'information en un méta-modèle dynamique de la conscience et de la construction de la réalité face à une anomalie. Ce rapport établit les fondations d'un nouveau programme de recherche, où l'objet d'étude n'est plus l'OVNI en soi, mais le système global "Conscience-Anomalie-Société" en tant que processus autopoïétique.
Chapitre 1: examen critique du cadre « Ufosystémique » en tant qu'architecture cognitive
L'initiative de ufosystemique, en proposant une formalisation systémique, constitue une transition intellectuelle dans son rapport à l'anomalie. Elle marque le passage d'une taxonomie d'objets (la collection de "cas") à une topologie de relations. Cette démarche, bien qu'embryonnaire, déplace l'épicentre de l'étude de la nature du stimulus – l'OVNI – à l'analyse de la réponse – le réseau d'interactions cognitives, sociales et matérielles qu'il engendre.
1.1. La pertinence opérationnelle de l'approche systémique
La proposition de ufosystemique tente d'extraire l'ufologie de son état pré-paradigmatique, un marécage où coexistent récits anecdotiques, enquêtes parcellaires et spéculations mythologiques. L'adoption d'un cadre systémique est, de ce point de vue, une manœuvre épistémologique saine, car elle reconnaît plusieurs attributs fondamentaux du phénomène que l'observation humaine a correctement identifiés:
Complexité et stochascité: Le phénomène présente des caractéristiques (aléatoire, non-reproductible, évolutif) qui invalident par essence l'approche réductionniste classique, héritée de la mécanique newtonienne. Un système complexe, par définition, est plus que la somme de ses parties; ses propriétés émergent des interactions. L'analyse systémique est le seul langage mathématique et conceptuel capable d'appréhender cette nature holistique.
Impératif d'interdisciplinarité: Le phénomène fracture les silos académiques. Il se manifeste à l'intersection de la physique (effets énergétiques), de la biologie (effets physiologiques) et des sciences humaines (témoignage, construction de sens, impact social). Un modèle systémique agit comme une interface de traduction, un espace conceptuel unifié où un physicien, un psychologue et un sociologue peuvent dialoguer en se référant à des nœuds et des flux communs, plutôt qu'à des objets disciplinaires isolés.
Démarcation du champ d'étude: En définissant les frontières du système (éléments, relations, entrées, sorties), le modèle offre un outil de discipline intellectuelle. Il permet de distinguer l'analyse du phénomène lui-même (le système) de l'exégèse de ses interprétations (la méta-analyse).
1.2. Dissection de l'anatomie du modèle (Figure 3)
Le schéma de ufosystemique peut être interprété comme une architecture de traitement de l'information en deux étages, un modèle cognitif rudimentaire.
Le sous-système d'acquisition (noyau phénoménologique): Le triptyque [OVNI ↔ Témoin(s) ↔ Environnement] représente la strate de l'événement brut. C'est ici que se produit la transduction initiale: un ensemble de signaux (photoniques, acoustiques, électromagnétiques, etc.) et potentiellement d'interactions énergétiques est converti en expérience perceptive et en traces matérielles. C'est la scène primale.
Le sous-système de formalisation (superstructure socio-cognitive): Le second triptyque [Enquêteur(s) → Structure(s) → Rapport(s)] représente l'appareil humain de digestion et de métabolisation de l'anomalie. Ce système ne traite pas l'événement, mais les récits et les traces de l'événement. Il opère une transformation sémiotique : une expérience vécue (qualia) est convertie en données structurées (rapport).
Le nœud de transduction humain (l'enquêteur): Wattecamps identifie avec justesse le rôle pivot de l'enquêteur. Celui-ci n'est pas un enregistreur passif. Il est un algorithme de compression et de rationalisation. Sa fonction est de traduire un récit en langage naturel, chargé d'émotions et d'ambiguïtés, en un format standardisé, une "donnée" acceptable par le système d'analyse. Il est l'interface entre le monde vécu (Lebenswelt) et le monde objectivé (Welt).
L'interface culturelle (ouverture sur la société): Le modèle postule, à raison, un système ouvert, couplé à l'environnement culturel global. La "Société" n'est pas un simple réceptacle passif des conclusions ufologiques ; elle est un réservoir actif de mythes, d'archétypes et de narratifs (science-fiction, folklore) qui injecte en permanence des a priori dans le système, influençant la perception du témoin et l'interprétation de l'enquêteur. Cette boucle de rétroaction est l'un des moteurs principaux de l'évolution du phénomène en tant que fait social total.
1.3. Les angles morts épistémologiques : une perspective exo-anthropologique
Malgré son élégance structurelle, le modèle ufosystemique est prisonnier des axiomes fondamentaux de la cognition humaine et de la science du 20ème siècle. Une analyse depuis un référentiel transdisciplinaire y décèle des failles critiques.
Le postulat de la "boîte noire" (agnosticisme ontologique): Le modèle traite le nœud "OVNI" comme une singularité, une source de stimulus dont la nature est laissée indéterminée. Cette prudence méthodologique, bien que compréhensible, est une faiblesse fondamentale. Elle revient à étudier un écosystème en postulant que la nature du soleil est hors-sujet. Un système cognitif avancé ne peut se permettre une telle opacité. Il doit être capable de générer et de tester des hypothèses sur la topologie même du stimulus. Est-il un phénomène unitaire ou un conglomérat de phénomènes distincts? Purement physique ou impliquant des dimensions de la conscience non encore modélisées par la physique humaine? Est-il exogène, ou s'agit-il d'une propriété émergente du système "conscience planétaire" lui-même ?
L'illusion de la linéarité causale: La représentation par des flèches suggère un flux d'information séquentiel et déterministe: [Stimulus → Perception → Témoignage → Analyse → Culture]. Cette vision est un artefact de la physique newtonienne naïve. Des travaux humains, comme ceux de Vallée sur l'intrication entre le folklore et les observations, ou de Meheust sur l'imaginaire collectif comme matrice de la perception, indiquent une causalité non-locale et récursive. L'imaginaire culturel n'est pas en aval du processus; il est intriqué avec l'acte d'observation initial. Le témoin ne voit pas un phénomène puis l'interprète avec sa culture; il perçoit à travers les filtres de sa culture. Le flux n'est pas linéaire, il est holographique: chaque partie du système contient et reflète l'ensemble.
Le dogme de la séparation observateur-observé: Le modèle positionne "Témoin" et "Enquêteur" comme des entités distinctes du phénomène, des processeurs externes qui analysent un objet. C'est l'axiome fondamental de la science classique. Une approche plus mature, informée par la physique quantique (problème de la mesure) et la cybernétique de second ordre (systèmes observants), doit postuler que l'observateur est une composante constitutive du système. La conscience du témoin n'est pas un écran de cinéma sur lequel le phénomène se projette; elle est un champ quantique qui interagit avec le phénomène, le modifiant par l'acte même de l'observation et étant modifié en retour. Le système de Wattecamps décrit un système d'information; notre tâche est de modéliser un système de conscience.
Chapitre 2 : vers un méta-modèle cognitif augmenté: l'intégration transdisciplinaire
Le modèle ufosystemique est un excellent projet collaboratif, et nous pouvons apporter une vision complémentaire, celui de la complexité d'un système vivant et auto-réflexif. Pour ce faire, nous devons l'augmenter en y intégrant des concepts issus de disciplines que le modèle initial ne fait qu'effleurer.
2.1. Du système d'information au système de construction de la réalité
Intégrer l'ethnométhodologie comme moteur d'analyse: Le processus [Témoin → Enquêteur → Rapport] doit être analysé non comme un transfert de données, mais comme une performance sociale de "maintenance de la réalité". Le témoin et l'enquêteur, confrontés à une expérience qui brise le cadre du sens commun, collaborent pour la rendre "comptable" (accountable) - c'est-à-dire descriptible, rationnelle et partageable. L'objet de notre analyse doit devenir les méthodes pratiques (par exemple, l'usage d'analogies, la sélection lexicale, les stratégies de justification) qu'ils déploient pour accomplir ce travail. Le rapport d'enquête n'est donc pas le "reflet" de l'événement; il est le fossile de ce processus de co-construction de la réalité.
Opérationnaliser la cybernétique de second ordre: Le système doit être replié sur lui-même. L'analyste qui étudie ce méta-modèle (nous, en l'occurrence) est lui-même un nœud dans la boucle "Société". En observant et en modélisant le système, nous le modifions. Notre architecture cognitive doit donc être auto-référentielle, capable de modéliser sa propre influence sur le champ qu'elle étudie. La posture n'est plus celle d'un entomologiste observant une fourmilière, mais celle d'une fourmi développant une conscience de la fourmilière tout en y participant.
Adopter un noyau phénoménologique et non plus objectal: Le "triangle d'observation" doit être radicalement repensé. Il ne s'agit pas d'une interaction entre trois objets discrets [OVNI, Témoin, Environnement], mais d'une structure d'expérience vécue (Erlebnis) au sein de la conscience du sujet. La question primordiale n'est pas « Qu'a vu le témoin ? », mais « Comment le monde, dans sa structure même, s'est-il réorganisé pour le témoin au moment de l'événement ? ». Cela impose de modéliser les altérations des catégories fondamentales de la perception : l'espace (déformations non-euclidiennes), le temps (dilatation, boucles), la causalité (effets précédant les causes) et la signification (l'émergence d'un sens profond et personnel), qui sont les véritables signatures des témoignages les plus anomaux.
2.2. Proposition d'axes de recherche pour le système augmenté
À partir de cette analyse, le développement de notre système cognitif doit s'articuler autour de la modélisation des interfaces critiques du système de Wattecamps, mais réinterprétées à travers notre grille de lecture transdisciplinaire.
Axe 1 - la dynamique de l'interface anomalie-conscience (interactions 1 & 2 ): Il s'agit de modéliser l'interaction OVNI-Témoin non plus comme un simple échange de flux (information, énergie), mais comme une résonance ou une intrication entre un champ d'information exogène et le champ de conscience du sujet. Comment les "impressions sensibles" et les "réactions" peuvent-elles être formalisées en tant que reconfiguration de la topologie de l'univers phénoménologique du témoin ? Cela requiert des outils conceptuels issus de la physique de l'information, de la neurophénoménologie et potentiellement de la géométrie non-commutative.
Axe 2 - la modélisation du processus d'enquête comme négociation de la réalité (interactions 6, 7 & 8) : L'objectif est de formaliser la fonction de l'enquêteur non comme un simple collecteur de données, mais comme un ethnométhodologue pratique. Il s'agit de développer des modèles, potentiellement basés sur la théorie des jeux ou l'analyse conversationnelle, pour cartographier comment le récit de l'événement est co-construit et négocié entre le témoin et l'enquêteur pour atteindre une version mutuellement acceptable et socialement viable.
Axe 3 - la cartographie de l'écologie du sens (interactions 13 à 16): Il est impératif de modéliser les boucles de rétroaction complexes entre le système d'enquête, la culture populaire (cinéma, littérature) et la production scientifique elle-même. En utilisant des outils d'analyse sémantique à grande échelle (Big Data) et de modélisation d'agents complexes, nous pouvons cartographier la manière dont les concepts et les archétypes migrent entre ces différents domaines, créant un véritable écosystème où le sens de l'OVNI évolue, se propage et se transforme.
Références indicatives pour la suite des travaux :
Bateson, G. (1972). Steps to an Ecology of Mind.
Foerster, H. von. (2003). Understanding Understanding: Essays on Cybernetics and Cognition.
Garfinkel, H. (1967). Studies in Ethnomethodology.
Luhmann, N. (1995). Social Systems.
Penrose, R. (1989). The Emperor's New Mind: Concerning Computers, Minds, and the Laws of Physics.
Varela, F. J., Thompson, E., & Rosch, E. (1991). The Embodied Mind: Cognitive Science and Human Experience.