Pour GARFINKEL, ce concept représente la maîtrise à la fois cognitive, linguistique et sociale des pratiques de la vie quotidienne.
Les personnes sont membres dun groupe, en fonction de leurs pratiques du sens commun et de lutilisation du langage qui forme leur appartenance sociale.
De même que GARFINKEL compare le langage naturel au langage formel, nous pouvons opposer le fait dêtre membre dun groupe formel, au fait dêtre membre dun groupe naturel.
Le groupe formel se définit par rapport aux statuts sociaux, aux rôles des personnes dans cette communauté. A linverse, le groupe naturel se définirait par ses pratiques communes, son langage spécifique.
Noam CHOMSKY démontre ce phénomène en écrivant: "Nous nous regardons les uns les autres, mais nous ne nous voyons plus. Notre perception du monde sest évanouie, il nest resté que la simple action de reconnaître."
Cest entre autres, pour déstructurer cet état de fait que lethnométhodologie intervient: ainsi, être membre peut permettre de voir ce qui est implicite mais nest pas forcément évident au premier abord.
De même WITTGENSTEIN écrit que "les aspects des choses qui sont les plus importantes pour nous, sont cachées à cause de leur simplicité."
Le concept de membre nest pas figé. Selon chaque circonstance, on est membre de groupes différents (on peut être en même temps membre dune secte, dune association de cinéphiles et dun groupe de rock).
GARFINKEL critique les sociologues classiques : "Lacteur social des sociologues est un idiot culturel qui produit la stabilité de la société en agissant conformément à des alternatives daction préétablies et légitimes que la culture lui fournit."
Lun des principes de lethnométhodologie est quil ny a pas didiot culturel. Chacun a une connaissance du monde qui lui est spécifique et/ou quil partage avec un groupe de personnes. Il y a, ici, un refus de jugement, de moralisation. Dans le fait dêtre membre, il y a une introjection de certaines règles qui les rendent implicites, mais interviennent dans cette dynamique de groupe.
Didier ANZIEU décrit le groupe comme un ensemble organique. Sa démarche est issue de la psychologie sociale, mais lidée de membre comme faisant partie dun ensemble mouvant est présente.
GARFINKEL fait intervenir une autre dimension. Cest lidée "dethnie dune seule personne": elle est par nature indivisible. Lêtre a un regard sur le monde qui lui est spécifique et où il se crée ses règles, codes et rituels propres.
On peut être membre de soi-même lorsque lon crée un univers quon est seul à déchiffrer. Ainsi, le monde que jai mis en place lors de ma période derrance ne pouvait être décodé par dautres personnes. Jétais membre de moi-même dans mes actions pratiques et le langage codé que je mettais en scène. Ainsi, "un membre est une personne dotée dun ensemble de procédures, de méthodes, dactivités de savoir-faire qui la rendent capable dinventer des dispositifs d'adaptation pour donner sens au monde qui lentoure."
Parfois je me suis retrouvée en situation danomie, cest à dire dans limpossibilité dappliquer certaines règles dans cette situation, avec limpossibilité de la décrire.
SCHÜTZ a développé le concept de typicalité qui est un concept implicite dans les notions de membre de la société. En effet, elle marque les spécificités et les différences qui existent entre chaque groupe.
Pour lethnométhodologie, la notion de membre est capitale, car, à la différence des démarches inductives, elle insiste sur le fait que pour étudier un groupe, il faut intégrer lensemble de ses procédures, de son indexicalité, de ses savoir-faire, de ses "allant de soi."
La compréhension de ces "allant de soi" est fondamentale pour analyser ce qui se dit dans le groupe.
En hôpital psychiatrique, par exemple, lun des "allant de soi" était la nécessité pour les patients de se soumettre au port du pyjama. Refusant de me plier à cette exigence, je réussissais à négocier la conservation de quelques vêtements. Par lintermédiaire dun des infirmiers qui comprenait mon point de vue, je réussis à récupérer des affaires enfermées dans une remise. Je remettais alors progressivement mes habits, pour que les autres infirmiers et la psychiatre shabituent à me voir avec des habits, sans quils marquent un refus subit de me voir vêtue en "civil". A partir dun certain nombre deffets personnels portés, quel que soit le membre du personnel hospitalier, on m'obligeait à me remettre en pyjama. Alors, mon processus dhabillage ponctué recommençait. Le pyjama était formellement imposé, mais il allait de soi que lon pourrait le camoufler avec des vêtements jusquà une certaine limite.
Lallant de soi implicite est ici:
- "Nous voulons vous distinguer, vous, personnes internées, de nous, le personnel soignant! Nous soulignons ainsi votre statut de malade qui ne peut plus apparaître si vos vêtements personnels les dissimulent trop."
Les infirmiers de cette institution étaient en habits de ville, non en blanc. Imposer luniforme du pyjama leur permettait demblée de se distinguer des "malades".