Ce deuxième axiome découle de la notion d’indexicalité.
"C’est l’ordre dans lequel le langage des acteurs sociaux (indexicalité) qui permet de construire (réflexivité) l’ordre de ce dont ils parlent" pour Jean WIDMER.
Dans le terme "réflexivité", on trouve la notion de réfléchir qui fait intervenir l’idée de miroir. Ce miroir est une métaphore de l’interaction constante entre la description de l’ordre social et l’existence même de ce dernier. Le langage est un reflet des pratiques sociales et réciproquement; de même que les actions pratiques sont les reflets des situations dans lesquelles elles évoluent.
D’un point de vue humain, chacun se reflète dans l’autre avec qui il est membre d’un même groupe, à un moment donné. Ainsi, deux francs-maçons en situation, ne s’évalueront pas, ne se parleront pas de la même façon que s’ils s’étaient trouvés sur un terrain de golf, ignorant chacun que l’autre est franc- maçon.
Comme le souligne Yves LECERF, "La description qui est dans la personne est aussi un miroir de celle-ci." Cela rejoint l’idée de projection dont parlent les psychanalystes, projection de soi à travers tout matériau de création ou regard que l’on porte sur autrui.
Les descriptions sont réflexives, mais aussi incarnées.
C’est à dire, qu’elles sont portées par de la matière, de même que les activités de l’esprit. Cette notion suppose qu’il ne peut pas y avoir de théorie généralisable.
En effet, "porté par de la matière" suppose que le contexte, le temps, l’espace, les personnes en présence forment cette matière, qui par essence est toujours différente.
Je donnerai un autre exemple de réflexivité: Severo SARDUY constate qu’au moment où KEPLER découvre que l’orbite des planètes est elliptique et non circulaire, en 1630, au même moment s’opère au niveau de l’art une transformation. L’art classique se modifie, son point d’articulation opère une excentration: une métaphore de l’ellipse se projette dans l’art baroque.
Ici, la réflexivité peut se voir sur deux niveaux :
- Celle de Severo SARDUY qui fait un lien entre la découverte de KEPLER et l’avènement de l’art baroque.
- Celle d’un contexte psychologique, social et culturel à une époque donnée qui offre un regard spécifique, se répercutant aussi bien au niveau de la physique, qu’au niveau artistique.
Nous voyons dans ce cas, combien action et situation sont inextricablement liées. Ces deux hypothèses ne peuvent en aucun cas, s’affirmer comme des certitudes, mais restent ouvertes.
La différence, à mon sens, fondamentale entre les théories sociologiques et l’ethnométhodologie se situe dans le raisonnement par induction des premières que refuse la seconde. Le concept de réflexivité que l’on ne retrouve pas dans la sociologie classique, illustre ce propos.
La réflexivité repose sur une idée de dynamique puisque les situations changent, dés lors, des répercussions s’opèrent sur les acteurs sociaux, leur manière de raisonner. Réciproquement, ceux-ci créent également les situations, de par l’influence qu’ils exercent sur les actions pratiques.
Ainsi, l’ethnométhodologie voit-elle les sociétés comme des organismes vivants et non pas comme un ensemble immuable.
La réflexivité se conçoit comme un miroir en mutation constante, puisqu’il réfléchit chaque fois une autre image.
Elle suppose une conception localiste, puisque selon le contexte, elle change (le contexte lui-même n’étant pas externe à la description).
Dans la réflexivité, la réalité de l’occurrence est centrale. Elle regroupe :
- le fait de l’occurrence
- ce que l’occurrence indique en tant qu’expression.
Nous observons ici, le caractère incarné de l’occurrence :
Son expression est incarnée dans ce qu’elle est. Le fait social est donc réalisé et non pas trouvé ou construit, comme dans les théories inductives.
L’indexicalité d’une personne, pourrait être considérée comme étant "une indexicalité d’une réflexivité, d’une indexicalité".
C’est à dire, qu’elle serait une indexicalité personnelle due à une interprétation personnelle de faits sociaux immergés dans une indexicalité de groupe.
TART, dans "Science spécifique des états de conscience", refuse l’objectivisme comme critère d’analyse et propose de construire à travers l’expérience vécue: " la description réflexive d’une action symbolique."