Quatrième partie :Les ruses de la science
 
 

PREMIER CHAPITRE

LA NOTION DE CAUSE
 
 

La croyance métaphysique

Dans cette partie, nous allons nous efforcer de montrer comment la démarche scientifique, partant de l'hypothèse de la causalité et du déterminisme, arrive en réalité à admettre l'existence du hasard. I1 ne s'agit pas ici de faire appel aux toutes dernières découvertes, qu'elles viennent de la mécanique quantique, de la biologie ou de la chimie. Au contraire, nous resterons, d'abord, strictement attachés à la science classique. Or, à l'intérieur de cette rationalité, bien qu'elle ait été longtemps vérifiée expérimentalement, se cache une faille. La prédiction scientifique n'est en réalité qu'un leurre. Nous montrerons comment cette prédiction repose en définitive sur une croyance métaphysique. Chassant le hasard, le village des scientifiques finit par le retrouver, là où il s'y attend le moins. La forme du nuage qui passe ou le battement de l'aile du papillon obéissent peut-être à un déterminisme strict. Mais la conjonction des deux phénomènes n'obéit à aucune règle.

L'ethnométhodologie se veut critique, elle s'oppose à la thèse platonicienne ou cartésienne selon laquelle il serait possible d'établir un fondement certain de notre connaissance, séparée de toute référence aux membres qui la constituent. Une telle démarche aboutirait en effet assez vite à une forme plus ou moins élaborée de dogmatisme. Une autre thèse consisterait à affirmer que les données des sens peuvent nous conduire à la vérité. Un tel argument était recevable jusqu'à ce que Hume montre de manière définitive qu'aucune série finie d'expériences ne peut nous permettre de conclure à la validité d'une proposition universelle.

I1 ne s'agit plus de fonder une vérité plus ou moins arbitraire mais de dévoiler la façon dont un groupe parvient à considérer qu'une proposition, ou qu'un ensemble de propositions, constitue une vérité. Le résultat est certes moins grandiose que celui du platonisme et on peut voir là une quatrième humiliation (170) subie par l'homme : avec la révolution copernicienne, il n'est plus le centre du monde ; avec le darwinisme, il n'est plus un animal privilégié de la création ; avec la psychanalyse, il n'est plus maître dans sa propre maison et enfin, avec l'ethnométhodologie, l'homme doit cesser de contempler une vérité objective et séparé, pour accepter la localité des définitions de la vérité.

170 : cf. Freud, Introduction à la psychanalyse, 1916, Sème partie, chap. 18, trad. S. Jankélévitch, petite bibliothèque Payot, 1970, pp. 266-267, cité en première partie, chapitre 2, la critique des sciences sociales.
 
 

La localité de la vérité

Cet abandon de la vérité (dans une perspective non nécessairement sceptique) a immédiatement deux conséquences

1. Si la vérité est une et indépassable par définition, une vérité locale sera multiple et devra sans cesse être réactualisée en raison du principe d'indexicalité.

2. Abandonner la vérité, au sens d'une vérité ultime, conduit à abandonner l'espoir chimérique d'une connaissance définitive impossible à remettre en doute qui serait le fondement éventuel d'une science close sur elle-même. A partir de là, il devient nécessaire d'admettre que la connaissance scientifique, n'ayant aucun fondement certain, doit être une dynamique remettant sans cesse en cause les erreurs passées, autrement dit, la science devient locale.

L'ethnométhodologie ne se borne pas à circonscrire le domaine de la science pure. Elle vise non seulement la connaissance en général, mais aussi la réflexion politique, l'éthique et la raison pratique. Seulement, il ne s'agit plus de définir une cité idéale, une société parfaite ou le bonheur individuel ; ni la politique, ni l'éthique ni la raison pratique ne peuvent parvenir à la certitude mieux que la science ; il est en revanche possible de définir localement tous ces domaines.
 
 

L'allant-de-soi causal

Depuis Hume toute réflexion sur les sciences doit aborder la question de la causalité, du déterminisme et de l'induction. L'âge d'or du 17ème siècle où ces problèmes étaient traités par l'évidence est irrémédiablement révolu (171).

Bien des efforts ont été faits pour essayer de guérir la science de l'induction et même de la causalité. Mais ces concepts apparaissent comme si fondamentaux que, dans la pratique, un être humain ne saurait s'en passer. Si on ramène la causalité à une induction, il devient très difficile de la justifier et on en arrive à considérer la science comme le résultat d'un consensus dépourvu de réalité, comme une convention qu'on peut à tout moment révoquer en doute, comme une simple description organisée des données sensibles qui ne nous apprend rien sur le monde.

D'un point de vue ethnométhodologique, la causalité est une façon de raisonner inséparable d'une activité quelconque. En tant que membres, nous considérons que la relation causale va de soi dans nos activités routinières. Bien sûr, si nous lisons Hume, elle cesse provisoirement d'être une évidence pour devenir un problème. Mais, pratiquement, nous continuerons à agir en admettant que c'est bien l'ouverture du livre de Hume, puis sa lecture, qui est la cause de notre perplexité momentanée. La causalité semble donc être un allant de soi tacite partagé par tous les scientifiques que nous avons rencontrés et en particulier par les mathématiciens.

Le mot cause est utilisé dans des sens tout à fait différent, ce qui rend parfois inopérantes les critiques que les auteurs se font les uns aux autres, dans la mesure où un désaccord sur une définition implique une mauvaise compréhension des conclusions. Il n'y a pas seulement un problème de polysémie mais plus généralement un problème d'indexicalité. Hume a prétendu avoir trouvé la véritable cause. On est en droit de supposer que, plus humblement, il a donné à la notion de cause un sens particulier.

En toute rigueur, un auteur acceptant la réalité des essences et un autre la niant (par exemple Leibniz en opposition à Hume) ne conçoivent pas la cause de la même manière. Comme nous l'avons vu, l'essentialiste (platonicien ou aristotélicien) peut toujours supposer que deux événements ne sont pas seulement reliés entre eux par le temps mais qu'il y a un passage d'essence de l'un à l'autre, un transfert de qualité ou de puissance. C'est la négation des essences qui a ruiné l'idée classique de la cause, par modification de sa définition.

Il est nécessaire d'examiner rapidement quelques uns des sens de la relation causale si on veut comprendre comment elle est un allant de soi. La notion de cause a donc plusieurs acceptions.

  • cf. lère partie, Sème chapitre, L'évidence.
  • Une règle de comportement.

    On peut considérer que la cause est d'abord un concept linguistique lié à un comportement. Lorsque dans Alice au Pays des Merveilles (172) on cherche qui a volé la tarte, il s'agit bien de la recherche d'une cause, même si cette recherche est perturbée par le fait que la tarte n'a pas été volée. Quand on dit le valet de coeur est la cause de la disparition de la tarte on n'est pas en train d'énoncer une relation universelle et nécessaire entre deux phénomènes, on se contente de constater une contingence qui repose, nous l'avons vu, sur un allant-de-soi. Or, précisément, Lewis Carroll? tout au long de son livre renégocie les allants-de-soi. Dès qu'elle passe de l'autre côté du miroir, Alice découvre que les relations causales habituelles n'ont plus cours. Alors qu'elle tente par exemple d'expliquer qu'elle a perdu son chemin, la Reine lui répond Je ne sais pas ce que vous voulez dire par votre chemin, tous les chemins, ici, m'appartiennent (173)...

    Notre comportement, qu'il soit linguistique, qu'il soit une façon de penser ou une façon d'agir, est de fait causal. Ces trois modes de comportement sont difficilement démêlables dans la vie quotidienne. Notre structure verbale est causale . le sujet agit sur le complément par le truchement du verbe qui contient une dimension temporelle. Nos actes, en termes d'intention, de désir, de souhait etc., impliquent la causalité et nous interprétons le comportement animal comme l'impliquant lui aussi.

    172 : Lewis Carroll , The Annotated Alice, introduction and notes by Martin Gardner, New American Library, 1960.

    173 : op. cit. p. 206.
     
     

    L'explication combinatoire

    Que la pensée fonctionne causalement est sans doute moins évident. Quand un ordinateur fait des déductions, il est légitime de dire que les prémisses et les règles sont cause des conclusions. Mais il est alors non moins légitime de ramener ce type de causalité à une question grammaticale ou logique.

    Quand Descartes affirme qu'il y a trois sortes d'idées (innées, factices, adventices) et que notre pensée n'est qu'une combinatoire de ces idées, il décrit un processus causal (174). Le même Descartes n'hésite pas, en dépit de son rationalisme, à raconter comment il fut ébloui par la vérité, de manière quasi magique, pendant l'hiver 1619-1620 et l'on est en droit de se demander de quelle curieuse combinatoire il a pu être victime. Il doit bien avoir conscience de l'insuffisance de son explication . . l'émergence d'une pensée originale est décrite comme un miracle, comme une illumination à laquelle aucune cause n'est assignable. Toutefois, parler de miracle, c'est encore s'exprimer causalement puisque c'est alors le défaut de cause qui déclenche notre étonnement.
     
     

    174 : cf. Descartes, Sème Méditation, paragraphe 7.
     
     

    Une relation d'antériorité.

    On peut considérer que la cause est une relation universelle, exprimable sous la forme d'une conditionnelle établissant un lien d' antériorîté entre la cause et l'effet. Un événement A à 1’instant t est toujours suivi d'un événement B à l'instant t + dt ; par exemple : si une boule blanche, au billard, rencontre une boule rouge à l'instant t, il s'ensuit, à l'instant t + dt, un déplacement de la boule rouge.

    Ce type de causalité permet la prédiction, mais repose finalement sur une série d'observations répétées qui ont permis, par induction, de poser comme universelle (voire nécessaire) une relation temporelle entre deux événements. C'est une simple association événementielle, non démontrable, synthétique et a posteriori. Hume est fondé en l'espèce à dire qu'un gouffre logique sépare les cas observés de la généralisation causale, qui ne repose que sur une commode habitude mentale.

    Kant, voulant conserver à la science son caractère de certitude, a dû ajouter une nouvelle catégorie de jugements, les jugements synthétiques a priori pour ne plus faire dépendre la causalité d'une expérience contingente et pour lui rendre la nécessité qu'elle avait perdue.
     
     

    La causalité qualitative.

    Une forme différente de la causalité peut s'énoncer de la manière suivante : les corps s'attirent à cause de la gravitation universelle. On ne veut pas dire qu'à l'instant t, il y ait gravitation et qu'il s'ensuive à l'instant t + dt un mouvement des corps les uns vers les autres. La gravitation de Newton est en effet une action instantannée à distance. On n'énonce pas seulement une loi descriptive mais on produit une explication. Que cette explication soit plus verbale que factuelle est sans doute exact mais on en retrouve de multiples exemples en science ; dire qu'une barre de métal se dilate à cause de la chaleur, revient à lier un fait (la dilatation) et un concept (la chaleur).

    Cette causalité explicative passe par l'intermédiaire de propriétés que l'on attribue à des objets. I1 s'agit d'une manière déguisée d'utiliser la qualité ou l'essence d'une chose pour prédire son comportement. C'est notamment à ce type de causalité que Leibniz fait allusion et c'est ce qui lui permet de justifier la venue à l'existence de certains possibles grâce à l'action de qualités intrinsèques. Molière, on le sait, caricature cette forme de cause en parlant de la vertu dormitive de l'opium.
     
     

    La causalité déductive.

    La causalité peut aussi être considérée comme l'instanciation particulière d'une loi générale. Par exemple, si j'énonce la loi : l'eau bout à 100 C., je ne suis pas forcément en train de dire que la chaleur est cause du bouillonnement de l'eau. Je suis simplement en train de faire une conjecture qui ne repose pas nécessairement sur une induction. Cette loi me permet de faire des prédictions mais ne contient pas l'affirmation de sa propre nécessité.

    La conception traditionnelle de la causalité ne mentionne pas ce sens particulier que Popper préfère à tous les autres, sans doute guidé par la sémantique de Tarski (175). Il n'y a plus ici seulement deux termes (la cause et l'effet) liés entre eux par une relation synthétique, mais trois ; la loi universelle (sans mentionner un quelconque caractère de nécessité) justifie alors analytiquement la relation causale. Pour reprendre notre exemple l'eau bout à 100_ C. peut se mettre sous la forme d'une conditionnelle universelle :

    (x) (Ex • Bx) (si x est de l'eau, x bout à 100_ C.)

    Ea (je remplis une casserole d'eau que je porte à une température de 100_ C.)

    Ba (l'eau bout).

    175 : K. Popper, L'Univers irrésolu, Plaidoyer pour l'indéterminisme, Hermann, Paris, 1984, p. 57 ; et Philosophical Comments on Tarski's Theory of Truth, in Objective Knowledge, Oxford University Press, 1974, p. 319 sq.

    Ma prédiction que l'eau va bouillir n'est pas fondée sur une induction, elle est le résultat de l'application d'une loi universelle à un cas particulier. Dans La Logique de la découverte scientifique, Popper insiste sur cet aspect : donner une explication causale d'un événement, écrit-il, signifie déduire un énoncé qui le décrit, en prenant comme prémisses de la déduction, d'une part une ou plusieurs lois universelles, d'autre part, certains énoncés singuliers qui constituent les conditions initiales (176).

    Hempel et Oppenheim partagent cette approche déductive de la cause. La position de Carnap est voisine quand il dit on ne peut donner une explication sans donner du même coup une loi ... il ne suffit pas, pour les besoins de l'explication, d'introduire un agent nouveau ou de donner un nom nouveau. Il faut aussi avancer des lois177

    Cette définition est compatible avec le positivisme (voire le conventionalisme) pour qui la causalité n'est qu'une hypothèse que les faits peuvent démentir à tout instant. Elle est aussi compatible avec le réalisme prudent des physiciens qui acceptent la réalité de la causalité mais ne voient dans la loi qu'une conjecture. La différence entre les deux conceptions ne conduit pas à des descriptions différentes.

    Elle est enfin compatible avec une structure causale probabilitaire. Les lois étant générales peuvent parfaitement s'appliquer à une classe d'objets sans être nécessairement applicables à tous les objets pris individuellement. On dira, par exemple, si x est une pièce de monnaie, alors elle tombera sur pile ou sur face :

    (x)(Mx • (Px v Fx)).

    Cette approche est en réalité une façon de ne pas traiter la causalité.

    176 : Karl Popper, The Logic of Scientific Discovery, Londres, 1959, p. 59.

    177 : R. Carnap, Les Fondements philosophiques de la physique, A. Colin, 1973, pp. 22-23.
     
     

    Le cauchemar de Compton

    Le principe de raison suffisante est une curieuse variante de la notion de cause. Laplace assimile ce principe au déterminisme universel :les événements actuels ont avec les précédents une liaison fondée sur le principe évident, qu'une chose ne peut pas commencer d'être sans une cause qui la produise. Cet axiome, connu sous le nom de principe de la raison suffisante, s'étend aux actions mêmes que l'on juge indifférentes. La volonté la plus libre ne peut sans un motif déterminant leur donner naissance , car si, toutes les circonstances de deux positions étant exactement semblables, elle agissait dans l'une et s'abstenait d'agir dans l'autre, son choix serait un effet sans cause , elle serait alors, dit Lebniz, le hasard aveugle des épicuriens (178).

    Le point crucial de cette définition vient de la liaison posée comme analytique de la causalité et du déterminisme. Tout se passe comme si l'on avait ici un équivalent de la preuve ontologique de Saint Anselme pour justifier le déterminisme de l'essence de la causalité on déduit l'existence du déterminisme. A partir d'une telle conception de la cause, on tombe dans le cauchemar de Compton (179), et la négation de toute détermination autonome du sujet humain. On pourrait donc, comme l'indique ironiquement Popper, écrire la symphonie que Beethoven aurait écrite s'il avait bu du thé un certain jour au lieu de boire du café (180).

    178 : P.S. Laplace, Oeuvres, Gauthier-Villars, vol. VII, I, pp. VI-VII.

    179 : Cf. K. Popper, Of Clouds and Clocks, in objective Knowledge, Oxford University Press, pp. 217-218 et Compton, The Freedom of Man, 1935.

    180 : K. Popper, Of Clouds and Clocks, op. cit. p. 223.
     
     

    La cause comme processus.

    Carnap, dans Les fondements philosophiques de la physique, entreprend l'analyse de cette notion vague de causalité, afin de la purifier des éléments non scientifiques qui y entrent encore (181). Il considère qu'un événement n'est pas causé par une chose mais est le résultat d'un processus. Nous disons que le soleil est la cause de la croissance des plantes ; en fait nous voulons dire que la radiation solaire, qui est un processus, est cause de cette croissance (182).

    Pour Carnap en effet, la causalité s'inscrit dans le cadre d'une loi décrivant des processus. La loi elle-même ne donne pas l'origine de l'événement.

    181 : R. Carnap, Les Fondements philosophiques de la physique, A. Colin, 1973, p. 185.

    182 : id. p. 186.
     
     

    Une origine.

    Par cause on entend enfin l'origine d'une chose ou d'un processus. En ce sens on peut dire qu'Adam est la cause de l'humanité ou que Dieu est la cause du monde. C'est ce qu'Aristote appelle la cause première. Les scientifiques ont en général regardé avec méfiance cette quête métaphysique d'une cause inobservable par les sens.
     
     

    Une corrélation.

    Il ne s'agit pas à proprement parler d'une relation causale, mais de la description d'une relation universelle. La loi de Mariotte, par exemple, énonce que le produit de la pression d'un gaz par son volume est égal à une constante. La dimension temporelle est absente, la loi ne dit pas qu'un événement en précède un autre, mais établit une corrélation entre deux faits qui apparaissent toujours ensemble, sans qu'on puisse dire que l'un est la cause de l'autre.

    I1 y a bien sûr d'autres sens du mot cause (183) et le principe d'indexicalité nous interdit d'envisager de les passer tous en revue. Nous retiendrons pour l'instant que cette relation, quel que soit le sens qu'on lui donne, est de fait utilisé dans notre pratique quotidienne. Le logicien, pour rigoureux qu'il soit, et même s'il refuse conceptuellement la relation causale, ne peut s'empêcher de voir dans ses preuves la cause qui va convaincre ses collègues que ses conclusions sont justes.
     
     

    183 : La conception aristotélicienne de la cause est tout à fait différente. En plus d'une conception métaphysique, il indique (Métaphysique, Z, 4) comment les accidents selon soi (summbébêkos kath'auto) peuvent être ramenés à une condition nécessaire et suffisante (cf. deuxième partie, chapitre trois, paragraphe 6). Autrement dit, Aristote distingue soigneusement la cause de l'existence, de la cause strictement logique. Une attribution est essentiellement selon soi quand elle appartient nécessairement au sujet (sans que la réciproque soit indispensable). Autrement dit, l'attribut essentiellement selon soi est une condition nécessaire à l'existence du sujet. Au contraire, une attribution est accidentellement selon soi lorsqu'elle est condition suffisante du sujet. On peut tenter de transcrire en logique symbolique l'attribut essentiellement selon soi comme étant la conséquence d'une conditionnelle ; par exemple, la ligne est attribut selon soi du triangle peut s'écrire (x)(Tx î Lx), c'est-à-dire, pour tout x, si x est un triangle, alors il est composé de lignes. Ce faisant, on ne dit rien (et il n'en est pas besoin) de la ligne. L'attribut accidentellement selon soi, étant condition suffisante, peut être transcrit comme l'antécédent d'une conditionnelle ; par exemple, la parité est un accident selon soi du nombre : (x)(Px f Nx), c'est-à-dire, quelque soit x, si x est pair, alors x est un nombre. Autrement dit, la différence entre ce qui est essentiellement selon soi et ce qui est accidentellement selon soi dépend de la position du sujet et de l'attribution par rapport à la conditionnelle. L'intérêt de cette symbolique est qu'elle nous permet de voir que l'ensemble des attributs essentiels selon soi constitue l'ensemble des conditions nécessaires, autrement dit, la condition nécessaire et suffisante.