« HAGAKURE » LE LIVRE SECRET DES SAMOURAIS
par Jocho Yamamoto (1659-1719)

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Il existe un dicton qui dit :  « lorsque l’eau monte, le bateau fait de même ».
En d’autres termes, face aux difficultés, les facultés s’aiguisent. Il est vrai que les hommes courageux cultivent sérieusement leurs talents quand les difficultés auxquelles ils sont confrontés sont importantes.
C’est une erreur impardonnable que de se laisser abattre par les épreuves.

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Si les dieux ignorent mes prières sous prétexte que j’ai été souille par le sang de l’ennemi, je ne peux rien y faire, si ce n’est de poursuivre mes actes avec dévotion sans me soucier de la souillure.
Même si, comme on le dit, j’ai pour ma part une attitude qui m’est propre.
Je n’oublie jamais mon heure de prière quotidienne. Et même si sur-le-champ de bataille, je suis éclabousse par le sang, j’ai confiance en l’efficacité de mes prières adresses aux dieux, pour obtenir le succès militaire ou m’assurer une  longue vie.

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La vie ne dure qu’un instant, il faut avoir la force de la vivre en faisant ce qui nous plaît le plus.
Dans ce monde fugace comme un rêve, vivre dans la souffrance en ne faisant que des choses déplaisantes est pure folie. Ce principe, mal interprété, peut toutefois être nuisible, aussi ai-je décidé de ne pas l’enseigner aux jeunes gens…
J’adore le sommeil. En réponse à la situation actuelle du monde, je pense ce que j’ai de mieux à faire est de rentrer dormir chez moi.

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Il arrive souvent qu’un homme qui jouit de grandes facultés et qui est conscient de sa valeur, devienne de plus en plus arrogant.
Il est difficile de connaître réellement ses qualités mais il est encore plus difficile d’admettre ses faiblesses.
C’est le maître Zen Kaion, qui a fait cette réflexion.

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La dignité d’un être se mesure à l’impression extérieure qu’il donne.
Il y a de la dignité dans l’effort et l’assiduité ; dans la sérénité et la discrétion. Il y a de la dignité dans l’observation des règles de conduite et dans la droiture. Il y a aussi de la dignité à serrer les dents et à garder les yeux ouverts : toutes ces attitudes sont visibles de l’extérieur.
Ce qui est capital, c’est d’agir toujours avec dignité et sincérité.

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Il est mal de médire, il n’est pas mieux de louer autrui a tout propos. Un Samouraï doit connaître son envergure, observer la discipline sans se laisser distraire et parler le moins possible.

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Un homme courageux doit rester calme et ne jamais donner l’impression être débordé.
Seuls les gens insignifiants, dont le caractère se révèle agressif, recherchent à tout prix la renommé et se heurtent à tous ceux qu’ils côtoient.

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Dans un débat ou une dispute, il faut savoir perdre vite pour perdre avec élégance.
Ainsi dans la lutte Sumo, si pour vaincre à tout prix on se met à tricher, on devient pire qu’un vaincu, on est à la fois perdant et inélégant.

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Quelqu’un a dit un jour : « Il y a deux sortes d’orgueil, l’orgueil interne et l’orgueil externe. Un Samouraï qui ne possède pas les deux est d’une utilité douteuse ». L’orgueil peut être aiguisé puis réintroduite dans le fourreau.

De temps en temps, elle en est tirée, brandie, puis nettoyé pour être remise dans le fourreau. Si le sabre d’un Samouraï est toujours tiré, s’il est tout le temps levé, les gens le craindront et il aura de la peine à se faire des amis. Si au contraire, il ne sort jamais de son fourreau, la lame se ternira et se couvrira de rouille et, les gens ne craindront plus celui qui le porte.

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On devrait écouter avec respect et gratitude les paroles d’un homme de grande expérience, même s’il parle des choses que l’on sait déjà. Il arrive parfois, qu’après avoir entendu dix ou vingt fois la même chose, on ait une intuition soudaine et que cette intuition transcende la signification habituelle.
On a tendance à regarder de haut les personnes âgées et à ne pas prendre au sérieux leurs bavardages. On devrait au contraire, se souvenir qu’elles ont le bénéfice d’une longue et réelle expérience.

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Un homme, Hyogo Naritomi, dit un jour : « La vraie victoire signifie la défaite de son ami. Gagner sur son allié veut dire remporter sur soi-même ; c’est la victoire de l’esprit sur le corps ».
Un Samouraï a le devoir quotidien de cultiver son esprit et d’exercer son corps de façon à ce qu’aucun – parmi mille alliés – ne puisse l’atteindre. Sans cela, il ne sera certainement jamais capable de défaire un ennemi.

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On considéra toujours comme naturelles la qualification et la compétence d’un Samouraï quelle que soit la façon extraordinaire dont il accomplit ses exploits. Si ses performances sont comparables à celles de ses contemporains, on le trouvera de piètre valeur. Par contre, si quelque banal quidam insouciant réalise quelque chose de façon légèrement supérieure à la moyenne, il sera grandement loué.

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L’absolue  loyauté vis à vis de la mort doit être mise en œuvre tous les jours.
On doit aborder chaque aube en méditant tranquillement, en pensant à sa dernière heure et en imaginant les différentes manières de mourir : tué par une flèche, par un boulet, tranché par le sabre, submergé par les flots, sautant dans un incendie, foudroyé par l’éclair, écrasé dans un tremblement de terre, tombant d’une falaise, victime d’un malaise ou de mort soudaine. On doit commencer sa journée en pensant à la mort.
Comme disait un vieil homme : « Quand vous quittez votre toit, vous pénétrez dans le royaume des morts ; quand vous portez, vous rencontrez l’ennemi ». Cette maxime ne préconise pas la prudence mais la ferme résolution de mourir.

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Si vous vous lancez dans une grande entreprise, ne vous souciez surtout pas des accrocs de peu d’importance.

Il n’est pas grave qu’un Samouraï se révèle égoïste de temps à autre, s’il est par ailleurs parfaitement loyal et dévoué à son maître, s’il est brave et généreux en règle générale.
En fait, il est plutôt mauvais être toujours parfait en toutes choses, parce qu’on a alors tendance à perdre de vue qu’on peut être faillible. Un homme qui se lance à l’aventure ne peut pas ne pas commettre de fautes.
Quelle importance peut, en effet, avoir une erreur minime dans le destin d’un homme qui cultive l’honneur et l’intégrité.

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Quand le Seigneur Katsushige était jeune, le Seigneur Naoshige, son père, lui enseigna ceci :
« Pour t’exercer à la coupe au sabre, va trancher la tête de quelques condamnes à mort ». Ainsi fut fait.
Sur la place, qui se trouve à présent à l’intérieur de l’enceinte de la Porte Ouest, des hommes furent alignes et Katsushige les décapita, l’un après l’autre.
Quand il en vint au dizieme, il s’aperçut qu’il était jeune et fort et dit « Je suis las, j’épargne la vie de cet homme ». Cet homme eut la vie sauve.

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Kenshim Uesugi fit, un jour, la remarque suivante :  « Je ne connais pas de recettes pour assurer la victoire. Ce que je sais, c’est qu’il faut saisir toute possibilité et ne jamais laisser s’échapper une occasion ».
Ce commentaire ne manque pas d’intérêt.