INTERVIEW DE JEAN-CLAUDE VAN DAMME
(PREMIERE n° 267 de JUIN 1999)
[EPISODE 1] interview par Jean-Yves Katelan

Son dernier film, "Légionnaire", n'a pas grand chose à voir la dedans : à 38 ans, JCVD n'a aucune des préventions ou des pudeurs qui font la plupart d'entre nous des êtres dits "civilisés". On peut choisir de s'en moquer. On peut aussi choisir de ne pas. Et s'il lui arrive de mélanger le français, l'anglais et quelques pinceaux, il creuse des sillons qui ne sont pas si souvent labourés... A tel point que nous en avons fait trois épisodes.

Ca ne vous ennuie pas que dans " Tiens, voilà du boudin ", on dise qu’il n’y en a pas pour les Belges ?
C’est bien ! on aura moins de cholestérol… Il faut beaucoup marcher à la légion, non ? Lean and clean…

Votre pire douleur physique ?
Eh bien, une douleur physique n’est pas tellement une douleur. C’est une douleur qu’on oublie. Je crois que les douleurs mentales sont beaucoup plus fortes ; et si on met la douleur spirituelle… il n’y en a pas. Donc, il y a la douleur physique (primaire), la douleur mentale (dont on se rappelle, les souvenirs de la vie) : et puis il y a le spirit (l’esprit), qui, lui, n’a aucune douleur puisque the final conclusion of the spirit is perfection.

Très bien. Van Damme, c’est votre vrai nom ?
Non. C’est Jean-Claude Van Varenberg.

Et vos deuxièmes prénoms ?
François. Et Camille. C’est un beau prénom Camille, c’est old fashion, non ? Ca respire le meuble de Provence, hein ?

C’est vrai. A part Van Damme, vous avez un pseudo de rêve ?
Et bien, le rêve n’a pas vraiment de poids sur les mots… Ou sur les noms. Pour moi, le rêve – et pour tout le monde, même si les gens ne le savent pas (et même s’ils ne le savent pas, ils le savent) -, le rêve, it’s feeling, c’est une sensation, une sensation réelle qui se produit si on veut.

Votre dernier rêve devenu réalité ?
Je ne voudrais pas rentrer dans des choses trop dimensionnelles, mais bon : j’ai fait le rêve d’acteur, je suis devenu acteur… Et c’est bien ! Le plus grand rêve de l’homme est le rêve de création. On est dans la vie pour pouvoir recréer un meilleur que soi.

Avez-vous une religion officielle ?
[Gentiment ironique] Quelle belle question ! Là, on voit qu’on a beaucoup à travailler sur nous-mêmes ! " Une religion officielle "… [Il s’interrompt puis reprend assez fort :] EST-CE QU’IL Y A UNE LOI POUR L’AMOUR ?

Hmmm…
Pour te dire comme on a beaucoup à apprendre sur la vie ! La plus belle religion qu’on puisse avoir, c’est de rentrer en soi-même et de digérer l’essence de la vie, se digérer soi même et produire à partir de sa propre religion : l’instinct. Et l’aboutissement de l’instinct, c’est l’amour ! Il faut apprendre à aimer. S’aimer d’abord soi-même pour pouvoir aimer les autres.

Comment vous définiriez-vous en deux mots ?
Définir quoi ?

Vous, votre personnalité…
Oh, myself ?

Yourself.
En deux mots… " I am ".

Pas mal. Vous avez combien sur vous ?
De money ? Rien pour l’instant, je suis en short et en espadrilles, là… C’est le matin. [Il est 9 heures du matin à L.A.]

Que faites vous quand vous êtes seul dans un ascenseur ?
Tout seul avec des gens ou bien tout seul ? Parce qu’on est toujours…

Non, seul-seul…
Donc physiquement ; parce que spirituellement, on est tous ensemble, ok ?

Ok.
Parce que dans l’ascenseur… quand tu montes dans un ascenseur… tu penses. A des tas de choses ; à des créations, à des gens, à des souvenirs… Donc on est jamais seul spirituellement ! Mais physiquement, " dans l’enveloppe ", si je suis seul… eh bien… je suis là. Et je reste là. Jusqu’à ce que les portes s’ouvrent… Et puis je commence à marcher. Je bouge mon enveloppe. Vers ma mission de tous les jours… Voilà.

De quoi avez-vous la nostalgie ?
J’ai la nostalgie de l’enfance. Je trouve que l’enfance est très, très belle. Et dans la manière dont on élève un enfant – qu’il soit mâle ou female, hein ? –, on peut retarder son processus de création, ce que j’appelle son " bon côté ". Parce qu’on donne aux enfants beaucoup de règles et de rules ; il y a de bonnes règles, de bonnes rules, mais il y en a qui sont un peu… - on va revenir sur le mot – " officielles ". Et cette officialité peut vraiment retarder ce qui devrait devenir… Mais c’est pas grave, il aura encore plus à se battre ! Non seulement, contre lui-même, contre la vie mais aussi contres les officialités de la vie, les religions et tout ça… Mais pour en revenir à la question et à la nostalgie, j’ai eu une très belle enfance malgré tout… J’ai été élevé du côté " campagne ", en dehors de Bruxelles. Et j’ai toujours grandi parmi les chiens.

Les chiens ?
J’ai beaucoup joué avec les chiens. J’ai toujours aimé le contact des animaux. Pourquoi ? Parce qu’il y avait beaucoup de feeling – même en français, on dit feeling ? Les animaux ne parlent pas trop. Il " parlent " (avec du feeling), mais ils n’ont pas de langage pour nos trouilles à nous. En revanche, il y a beaucoup de toucher et de contacts des yeux, des choses vraiment sincères ; et ça m’a vraiment aidé que de me développer avec des animaux autour de moi. Là, j’ai un chien en ce moment à côté de moi et je le caresse.

Il s’appelle comment ?
Georges.

Avez vous un modèle ?
Oui ! Moi-même ! Je suis mon modèle parce que je connais mes erreurs, mes qualités, mes victoires et mes défaites. Si je passe mon temps à prendre un autre modèle comme modèle, comment veux tu que ce modèle puisse modeler dans la bonne ligne ? Ok : les enfants (ou les parents, ou ce que tu veux), quand ils me voient à l’écran, ils peuvent copier ! Alors le meilleur modèle qu’on peut avoir dans la vie, c’est soi-même ! Et ça, c’est un très, très gros travail. Mais un très beau travail ! On appelle ça un travail de " création de nouveau ", de " recréation ". Physique et mentale. C’est très, très beau d’avoir son propre moi-même.