L'université de tous les savoirs.
Une série de conférence données par des chercheurs sur leur discipline.
Les conférences ont lieu à l'université René Descartes, Paris 5, Amphi Binet, 45 rue des Saints-Pères 75006 (métro : Saint-Germain des près ou Rue du bac)
Certaines conférences sont rediffusées sur la chaine de télévision France 5 avec pour titre "les amphis de la 5".

Université de tous les savoirs : archives des conférences
en vidéo : www.canal-u.education.fr (Canal-U, Web TV des universités)
Thèmes des conférences, archives UTLS :
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Les conférences sont disponibles au téléchargement sur le site www.tous-les-savoirs.com
Les conférences durent entre 1h00 et 1h30.

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Ma sélection dans le programme de conférences qui avait pour thème :

LES INTERFACES : recherches faites aux frontières de plusieurs disciplines
du 25 octobre au 28 novembre 2002

Les animats [ voir la vidéo ]

Jean-Arcady Meyer, Les animats, Intelligence artificielle et robotique, Université Paris 6, AnimatLab
Contrairement aux ambitions affichées aux origines de la discipline, en 1956, les recherches en
intelligence artificielle ont à ce jour largement échoué à reproduire l'intelligence de l'homme, même si un
programme d'ordinateur a réussi à battre le champion du monde aux échecs. Quant aux robots
modernes, ils ne brillent pas non plus par leur intelligence, même si certaines machines caniformes ou
humanoïdes sont de véritables merveilles de technologie.

De nombreux chercheurs estiment qu'il est largement prématuré d'espérer reproduire directement
l'intelligence de l'homme tant qu'on n'aura pas compris comment elle s'est mise en place au cours de
l'évolution. Aussi, dans le but de rechercher en quoi l'intelligence humaine s'explique à partir des
processus adaptatifs les plus simples hérités des animaux - et plutôt que de viser directement à
comprendre et à reproduire les performances les plus élaborées dont est capable le cerveau - ces
chercheurs visent d’abord à synthétiser des “ animats ”, c’est-à-dire des animaux artificiels ou des
robots réels dont les lois de fonctionnement sont aussi inspirées de la biologie que possible. L’objectif
est d’attribuer à ces animats certaines des capacités d’autonomie et d’adaptation basiques qui
caractérisent les animaux réels, de façon à leur permettre de "survivre" ou d'assurer leur mission dans
des environnements plus ou moins imprévisibles et dangereux.

Cette conférence évoquera quelques automates célèbres - du pigeon d'Archytas de Tarente au canard
de Vaucanson, en passant par l'androïde de Léonard de Vinci - pour rappeler que la conception de
machines inspirées du vivant a été de tout temps une préoccupation humaine.
La structure générale d'un animat et son mode de fonctionnement seront ensuite décrits. Ils se
caractérisent par le fait que l'animat acquiert des comportements efficaces par interaction étroite avec
son environnement, grâce à son architecture de contrôle - équivalent du système nerveux d'un animal -
reliant ses capteurs - équivalents des récepteurs sensoriels- à ses actionneurs - équivalents des
organes moteurs.
Puis divers exemples illustreront la façon dont les animats peuvent eux-mêmes améliorer ou se
constituer une architecture de contrôle ou une morphologie adaptées, par des processus inspirés de la
biologie comme le développement, l'apprentissage ou l'évolution des espèces.
Enfin, à partir notamment de l'évocation des "biobots" - robots hybrides constitués à la fois d'éléments
artificiels et d'éléments vivants - les avantages et les risques liés à ces recherches seront discutés.
 

La modélisation mathématique des langues naturelles [ voir la vidéo ]

Sylvain Kahane, Linguistique et mathématiques, Université Paris 7, Lattice
L'objet central de la linguistique contemporaine est de modéliser les langues naturelles et leur
fonctionnement, c'est-à-dire comment un locuteur exprime un sens dans une langue donnée ou
comment à partir d'un énoncé linguistique il récupère son sens. De questions sur la langue sont nées
des branches fondamentales des mathématiques : la modélisation du sens (et du raisonnement) a
donné la logique et la modélisation de la syntaxe a donné la théorie des langages formels et les bases
de l'informatique. Alors que ces objets mathématiques venus de la linguistique poursuivent une vie
autonome, les modèles mathématiques de la langue continuent d'évoluer sur des architectures de plus
en plus complexes intégrant un véritable calcul du sens et prenant en compte la diversité des
comportements des mots et leur faculté de former toujours de nouveaux sens. Nous illustrerons notre
propos par un fragment de modèle mathématique pour le français. Nous comparerons ces modèles
symboliques avec les modèles statistiques basés sur l'analyse automatique de grands corpus textuels
annotés.
Nous nous intéresserons également aux (non) liens institutionnels entre linguistique et mathématique,
ainsi qu'à la position de la linguistique mathématique par rapport à la linguistique informatique et au
traitement automatique de la langue.
 

Voir le cerveau penser [ voir la video ]

Denis Le Bihan, Voir le cerveau penser, Neurobiologie et physique, Commissariat à l'Energie Atomique
L’imagerie par Résonance Magnétique (IRM) permet depuis une vingtaine d’année de produire des
images de l’anatomie ‘statique’ du cerveau, c’est-à-dire des coupes virtuelles montrant les détails des
structures cérébrales (matière grise, matière blanche) avec une précision millimétrique. Cette imagerie
‘anatomique’ est utilisée par les radiologues pour la détection et la localisation de lésions cérébrales.
Plus récemment, l’IRM est aussi devenue ‘fonctionnelle’ (IRMf), montrant l’activité des différentes
structures qui composent notre cerveau. L’imagerie neurofonctionnelle par IRMf repose sur deux
concepts fondamentaux. Le premier, soupçonné depuis l’Antiquité mais clairement mis en évidence au
siècle dernier par les travaux du chirurgien français Paul Broca, est que le cerveau n’est pas un organe
homogène, mais que chaque région est plus ou moins spécialisée dans sa fonction. Le deuxième,
suggéré par l’anglais Sherrington à la fin du siècle dernier, est que les régions cérébrales actives à un
moment donné voient leur débit sanguin augmenter. C’est cette augmentation locale et transitoire de
débit sanguin, et non directement l’activité des neurones, qui peut être détectée par l’IRMf et par la
caméra à émission de positons (autre méthode d’imagerie neurofonctionnelle).

En pratique, il suffit donc d’acquérir des images représentant le débit sanguin en chaque point de notre
cerveau quand il exécute une tâche particulière (motrice, sensorielle, cognitive,...) et dans une condition
de référence neutre. A l’aide d’un traitement informatique de ces images, on peut extraire les régions
cérébrales pour lesquelles le débit sanguin a changé entre la condition de contrôle et l’exécution de la
tâche et en déduire que ces régions ont participé à cette tâche. Ces régions sont reportées en couleurs
sur l’anatomie cérébrale sous-jacente. Bien que l’imagerie neurofonctionnelle, aujourd’hui, ne permette
pas de descendre à l’échelle des neurones, les exemples rassemblés dans ces pages tendent à
montrer que les circuits cérébraux utilisés par l’activité de ‘pensée’ sont communs avec ceux utilisés
par des processus de perception ou d’action réels. Ce résultat n’est pas surprenant a priori, si on
considère que certaines formes de pensée (créer et voir une image mentale, imaginer une musique,
inventer une histoire, évoquer des souvenirs...) ne sont autres que des simulations ou reproductions
internes d’évènements que nous avons vécus ou que nous pourrions vivre. Au delà de l’identification
des régions impliquées dans les processus cognitifs, des travaux en cours laissent présager qu’un jour
nous pourrions peut-être même avoir accès en partie à la nature de l’information traitée par les
différentes régions de notre cerveau, et donc, d’une certaine manière, à une petite fraction du contenu
de nos pensées...
 

Emotion et rationalités en sciences sociales [ voir la vidéo ]

Pierre Livet, Emotions et rationalité en sciences sociales, Philosophie, psychologie et économie, Université de Provence
Les sciences sociales, et surtout celles qui tentent une reconstruction rationnelle des interactions des
acteurs (l’économie, un certain type de sociologie) ont longtemps considéré le rôle des émotions comme
« résiduel » (Pareto), les émotions étant supposées irrationnelles. Durkheim pourtant voyait dans les
émotions religieuses la manifestation des normes collectives.
Plus récemment, on note la convergence entre l’intérêt des neurophysiologues et des psychologues (y
compris cognitifs) pour les émotions (Damasio, Frijda), et celui de chercheurs en sciences sociales,
comme Elster ou Frank, qui recourent aux émotions pour expliquer comment des normes sociales
peuvent nous porter à aller contre nos intérêts.
Mais recourir aux émotions pour expliquer ce que notre conception étroite de la rationalité n’arrive pas à
comprendre risque de faire des émotions des mécanismes sans raison, ou qui biaisent nos raisons.
Il faut donc montrer en quoi les émotions font partie de la cognition, et comment elles s’articulent avec
notre rationalité. Il faut pour cela analyser la dynamique à long terme des émotions. Elles semblent être
des signaux d’alarme, nous avertissant que nos attentes et désirs sont mal ajustés à la réalité qui nous
entoure, et que nous ferions bien de les réviser. Elles nous permettent aussi de nous révéler à
nous-mêmes celles de nos préférences qui sont en nous des valeurs bien enracinées, celles que nous
refusons de réviser.
Mais ces tensions créent de l’angoisse, émotion qui peut provoquer un blocage de nos révisions, par un
processus localement rationnel, mais irrationnel à plus long terme. Les émotions nous obligent donc à
concevoir une rationalité élargie et qui se définit différemment à plusieurs échelles.
 

Cerveau, chance et chaos [ voir la vidéo ]

Henri Korn, Neurobiologie, Institut Pasteur
Les neurosciences vivent une période nouvelle et particulièrement fructueuse dans leurs rapports avec
la physique et les mathématiques.
Jusqu’ici a dominé en neurobiologie, ainsi que dans d’autres corpus du savoir, une conception causale
héritée de la mécanique de Newton selon laquelle le fonctionnement du cerveau obéirait aux seules lois
du déterminisme classique. La notion de « câblage » anatomique et celle d’arc réflexe illustrent bien ce
schéma traditionnel du tout ou rien qui a conduit a trop souvent exclure du champ de notre réflexion, la
variabilité et le caractère imprévisible, pourtant évidents, de nombre de faits expérimentaux. Nous
montrerons à l’aide de quelques exemples que cette situation se modifie rapidement et que les «
interfaces » entre les différentes disciplines souvent invoquées en vain dans le passé, deviennent une
réalité. Un matériel expérimental privilégié a été celui d’un neurone qui commende la réaction de fuite
chez les poissons. Véritable « cerveau dans le cerveau », il permet d’étudier tous les mécanismes de la
communication neuronale qui ont été identifiés chez toutes les espèces, y compris les Primates. À son
niveau, la transmission de la communication entre les neurones est loin d’être garantie, elle obéit au
contraire aux lois du hasard : comme si chaque synapse jouait aux dés le fait qu’elle relaie ou non un
message après chaque influx. Ce caractère probabiliste confère à la communication nerveuse et par
conséquent aux comportements qu’elle sous-tend, une « liberté » dont la valeur adaptative est
fondamentale. Elle intervient de plus dans certains processus de mémorisation et d’apprentissage.
L’étude de phénomènes électriques communs également à tous les neurones, à l’aide de la dynamique
non linéaire mise au point par les physiciens, a d’autre part suggéré que l’apparence stochastique de
ces processus cache en fait un ordre sous-jacent, celui du chaos déterministe. Le terme « déterministe
» signifiant que la dynamique en cause obéit bien à des lois mais, que l’évolution des phénomènes
concernés est imprévisible du fait de leur sensibilité à toute perturbation. Cette découverte qui remet en
cause bien des idées reçues, offre des perspectives inattendues pour qui veut comprendre la nature
des états internes du cerveau ou encore dans une perspective thérapeutique de certaines affections
neurologiques.