Courrier des lecteurs :Drogues, usages, cultures, méfaits
Courrier reçu au mois de juillet 2002 :
"...En passant, vous dites que vous êtes passionné pas les changements d'états de consciences... qui dit changement d'état de conscience, dit presque drogue psychédélique. :-) Je n'ai jamais pris de drogue plus forte que le pot, l'alcool et le café. Mais, j'ai tout de même expérimenté des changements de consciences spectaculaires, agréables, atroces, profond... etc. J'ai beaucoup d'amis qui ont expérimentés les drogues dures qui donnent des visions comme les "mush", les champignons magiques... le PCP, la sylvia, le DMT, peyotl, etc. et quand je leur dit que je peux induire moi-même des visions par la force de ma volonté et par des techniques spécifiques, ils ne me croivent pas ! J'ai presque envie de tenter de prendre des drogues dures pour être sûr que j'ai raison : Il est possible de changer d'état de conscience sans drogue. Je n'ai pas d'opinion puritaine sur la drogue, car j'ai été entouré de junky toute ma vie. Je pense qu'on peut faire un bon usage des drogues et que la pire façon de se droguer est de le faire pendant des "partys". Il faut se droguer seul et pas n'importe comment. Bon, je sais que le fait de parler drogue par email n'est pas une bonne idée, surtout si l'on a une personnalité publique, mais ce serait aussi le genre de chose que j'aimerais parler avec vous. Si vous avez des pointeurs intéressants sur les drogues psychédéliques, je serai content de les lire."
Expéditeur : "mel vadeker "
Date : 12 juillet 2003Ces questions sur la drogue sont délicates. C'est évident et ce n'est pas la peine de douter, il est possible de changer d'état de conscience sans drogues, par le sommeil, la méditation, les rêves, les immersions dans des réalités alternatives ou virtuelles, etc. Les exemples sont très nombreux.
On ne peut pas dire que je suis passionné, c'est plus fort que ça. Les recherches sur les états modifiés de conscience font partie de ma vie. Il faut balayer toute la palette des définitions, manipulation mentale, contrôle psychologique à distance, hypnothérapie avec transe ou sans transe, induction par la musique ou les arts, contrôle technologique et informatique des perceptions, stratégie de survie, changement psychologique, etc.
Pour moi les drogues ne sont qu'une part réduite de ce qui m'intéresse. L'étude sur les drogues dures ne m'intéresse pas pour ce qui concerne la recherche spirituelle, en anthropologie sociale et culturelle j'ai déjà constaté les dépendances et les differents problèmes sociaux et de criminalité.
Je connais les thèses de Thimothy Leary et les autres gourous du psychédélisme. Je ne suis pas du tout favorable et cela pour des raisons médicales et psychiatrique.
http://perso.club-internet.fr/vadeker/humanite/social.htmlIl est impossible de faire des généralisations sur ces questions de drogues car les effets à rebours sont considérables. Ce que l'on peut gagner dans l'immédiat on peut le payer ensuite de bien des manières. Je suis pour que l'on informe sur tous les effets possibles des substances licites et illicites, pour que l'on explique ce qui perturbe le fonctionnement du cerveau sur le long terme ainsi que les diverses conséquences sur l'état de santé global.
Il y a par contre, des études ethnologiques sur les drogues initiatiques millénaires, sur ce qu'on appelle "les plantes sacrées" qui ne causent pas de problèmes de dépendance. Il y a beaucoup d'exemples, et j'en retiens un qui est intéressant. C'est celui de l'IBOGA (au Gabon, en Afrique). Il s'agit d'une écorce d'arbuste qui permet à travers un rituel très ancien d'initier des états de transe qui ont des effets à la fois psychothérapeutiques et psychédéliques. Il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'une tradition millénaire qui réponse sur une initiation. Pour cela il faut un guide, des rites et une base culturelle afin de contrôler les diverses étapes de l'initiation. Cela donne l'occasion à travers les effets de l'ibogaïne de communiquer avec les esprits, les puissances de l'univers et à l'occasion d'une transe qui s'étale sur des journées entières de vivre des expériences touchant le fondement de la psychologie personnelle pour travailler sur soi-même. On est ici loin des drogues dures à but récréative, c'est plutôt celui d'un usage thérapeutique millénaire qui repose sur une tradition. Cela demande une initiation et un respect des traditions, cette plante construit ces liens entre le sacré et l'initiation et aussi ce lien vers les plantes thérapeutiques.
http://www.iboga.org/fr/science/inocuite.htm
http://www.iboga.org/fr/plante/plante01.htm
http://www.iboga.org/fr/science/bibliofr.htmLe sujet de la drogue est délicat car on touche divers tabous moraux et sociaux. Il y a également beaucoup d'hypocrisies dans les constats et les enquêtes publiques.
Quelques liens :
Chamans et sorcies : ethnométhodologie des états modifiés de conscience.
http://perso.club-internet.fr/vadeker/corpus/chamans.htmUn film de cinéma (fantastique/suspens) sur le sujet des plantes sacrées :
Altered States (Au-dela du réel, titre francais) film de Ken Russel.
http://onlydrew.free.fr/filmographie/alteredstates/alteredsates.html
http://www.cinemalade.com/suggestions/primates.htm
http://bizarre-movie-reviewer.8m.com/russell.htmHerbier ethnobotanique
http://www.prospective-jeunesse.be/drogues/main_herbitok.htmlMILTD : Information, Prevention , Dependences liées aux drogues
http://www.drogues.gouv.fr/fr/
http://www.drogues.gouv.fr/fr/professionnels/ressources/ressources_dossiers.html
Les substances hallucinogènes et leurs usages thérapeutiques
http://www.drogues.gouv.fr/fr/pdf/professionnels/ressources/dossier_halluci.pdf
http://www.drogues.gouv.fr/fr/pdf/professionnels/ressources/dossier_halluc2.pdf
Questions de l'année 1998.
De l'inutilité de se droguer pour créer et écrire.
Mel Vadeker , 1998
On me pose souvent cette question : Tu fumes quoi ? Tu prends quoi ? Le genre d'interrogation qui présuppose une utilisation des drogues pour écrire des textes poétiques ou pour enrichir mon style.
Ma réponse est invariablement la même. Pas besoin de prendre des drogues ou autres substances pour être inspiré par des événements, des puissances de la vie. Je dirais même qu' il faut justement être dans un état naturel de perception pour arriver à saisir les transformations du monde qu'on cherche à décrire.
Il se produit chez certains artistes un attrait romantique pour les drogues, pour les psychotropes. Un attrait induit par le désir d'amplifier son champ de conscience, d'enrichir ses perceptions. Sans pour autant minimiser cette position intellectuelle, je peux dire sans hésiter que je ne suis pas un partisan de cette doctrine.
Dans ma vie, j'ai toujours été précis et clair sur ce point. Je veux utiliser mon plein potentiel pour répondre aux contraintes matérielles, existentielles et spirituelles que j'ai à vivre. Prendre des drogues ou autres substances psychotropes serait pour moi une façon d'échapper à cette responsabilité, de se voiler la face. Prendre quoi et dans quel but ?
Ma position, mon point de vue :
Pour ceux qui me disent : si tu n'as pas essayé comment tu peux savoir ? C'est simple, le cerveau de la plupart des gens produit lui-même les neurotransmetteurs que l'on cherche à décharger par l'action de la drogue. Arriver à entrer en transe naturellement est infiniment plus sécurisant et profitable pour amplifier son champ de conscience que de s'injecter ou prendre des psychotropes. Pourquoi cela ? Parce qu'on contrôle son expérience dans une certaine mesure et on se préserve des mauvais effets des psychostimulants.Deuxième argument. Je suis d'une nature sensible et je parviens par la pratique et un certain effort soutenu à contrôler une forme d'hypersensibilité, une transe de création que j'utilise dans mes activités artistiques. J'utilise comme support principal, la musique, l'image toutes les formes d'art. Je n'ai pas besoin d'autre chose dans mes recherches à la frontière entre les sciences et l'art.
Pourquoi prendrais-je le risque d'assimiler des substances, qui peuvent bloquer ou restreindre mon potentiel d'action, qui peuvent freiner mon développement artistique ou spirituelle ? J'utilise là des arguments qui sont pour moi raisonnables et logiques dans le cadre d'une préservation de mon intégrité physique et psychologique.
Ma position ne remet pas en cause les pratiques propres à certaines ethnies ou cultures pour parvenir à la transe par certaines plantes dites traditionnelles. Je parle là de pratiques ancestrales ancrées dans des rites anciens. Dans ce cas, il y a tout un contexte qu'il faut étudier, une histoire à jauger, une pratique à saisir de l'intérieur pour comprendre comment au fil des siècles ces rites ont permis l'éveil spirituel par l'initiation.Je ne remet pas en cause non plus, le chercheur solitaire qui entre en caisson d'isolation sensoriel en prenant un champignon pour étudier d'une manière contrôlée ou scientifique son état de conscience "élargie". Si cela est fait dans un contrôle médial stricte et ne sert pas de caution pour des experiences scientifiques contre-nature (experience militaires).
L'usage de drogues n'est pas anodin. Les dangers potentiels, les dérapages probables, les méfaits à rebours et les risques psychiatriques sont trop nombreux pour se servir de ce prétexte pour dire : "Je prends de la drogue car ça m'aide à être plus créatif !"
Ce n'est pas parce qu'on fait un art extrême qu'on doit prendre de la drogue pour s'aider. C'est plutôt le contraire qui devrait etre admis. Il faut avoir l'esprit clair pour supporter ou controler certaines emotions. C'est un paradoxe incompris par beaucoup.
Si un artiste particulièrement productif ou inspiré prend de l'alcool ou se drogue s'est souvent après coup. A la suite par exemple d'un choc émotionnel, de la perception d'une réalité alternative qu'il ne supporte plus. Alors l'artiste ici ne se drogue plus pour aider sa perception mais plutôt pour la limiter, pour avilir sa capacité à saisir des réalités transcendantes qui le rongent et dont il ne peux plus assumer emotionnellement l'impact dans sa vie quotidienne. Alors ne confondons pas tout et demandons nous pourquoi tel artiste se drogue. Il se drogue peut être parce qu'il ne supporte plus sa vie, parce qu'il ne supporte plus d'être aussi perceptif , sensible, intuitif, cherchant ainsi à redevenir un être dans la norme, à se réintroduire dans une condition psychologique et sociale conventionnelle. Il se drogue peut être parce qu'il ne veux pas faire cet effort d'apprentissage douloureux qui mène à la maîtrise de soi, et il pense ainsi prendre le raccourci qui mène aux hautes sphères, ces routes pleines de dangers, d'errements et d'incertitudes.
Sur ce simple constat on peut logiquement construire cette stratégie : il vaut mieux travailler pour atteindre l'excellence que sacrifier sa conscience pour un espoir incertain. Dans le premier cas, il reste le fruit de son labeur, dans l'autre il reste l'illusion d'un songe.
A propos de ces problèmes de drogues, posons nous les questions qui dérangent :
Où suis-je ? Quel est le contexte de ma pratique ?
Dans quel but ? Où vais-je avec la drogue ?
Quels sont mes possibilités de développement ? Les risques négatifs ?
Est-ce que je contrôle ma pratique ? Est-ce que j'evolue vraiment ?Ne mélangeons pas tout, ni les pratiques entres elles, ni les drogues, ni les conséquences. Avant de comprendre les effets, jugeons d'abord des circonstances pratiques qui ont conduit une personne à se droguer, les méthodes d'analyses et de compréhension de ces problèmes ne peuvent reposer sur des jugements hâtifs et généralisants.
Thème poétique sur le sujet,
extrait du recueil hypertextuel poétique ICONEPULSIONS
(Mel Vadeker, 1993)PULSION DE SURVIE
" Affamé et perdu dans la montagne, complètement épuisé par des journées et des nuits à ramper dans la rocaille, à traîner ma jambe cassée. Je me nourrissais de tous ce que je trouvais à ma porté, de l'herbe, de l'écorce, je buvais l'eau croupie et déterrais des racines jusqu'à en avoir les doigts écorchés et les ongles arrachés. Je ne pensais pas, une seule pulsion dominait tout : me nourrir, me reposer, avancer et vivre. "PULSION SEXUELLE
" La souffrance est un plaisir que je repousse surtout si elle ne m'apporte pas la jouissance. Ainsi, la sueur coulait de nos corps entrelacés. La pénétration brûlante m'arracha un cri de douleur alors que le plaisir tapis au fond de mon être bouillonnait, ne demandait qu'a jaillir. Pour te contenter, toi femme de ma nuit, j'aurais déchiré tes entrailles, afin de fouiller et découvrir ton secret. Si bien qu'enivré par le parfum délicieux de notre orgasme, j'ai cherche dans l'élan, la chaleur qui m'a ranimé. "PULSION DE POUVOIR
" Je suis le seul à décider, à savoir ce qu'il faut ! Moi seul ai la solution à vos problèmes, soyez avec moi, suivez moi, obéissez moi et vous verrez comment je réglerai vos difficultés. C'est ainsi que j'exerce ma domination... Ceux qui se laissent dominer sont des moutons et ils méritent qu'on prenne des décisions à leur place, ils méritent également ce qu'ils leur arrivent. Le pouvoir absolu corrompd, j'en suis conscient mais j'en retire une telle satisfaction, un tel plaisir qu'il en devient difficile de s'en passer. "PULSION DE "DROGUES" (quatrième pulsion)
Le désir d'intoxication par les drogues est une pulsion fondamentale et motivante. Des civilisations et des animaux s'y sont adonnés. L'histoire ne fait que se répéter. La recherche de l'intoxication est motivée par une forte pulsion biologique opposant les besoins individuels à ceux de la société ou du monde. A force de rechercher l'excitation produite par la drogue, les victimes oublient totalement leur corps et ses besoins, elles meurent d'inanition et de soif. Une force naturelle présente tout au long de l'histoire attire l'espèce humaine vers les états d'intoxication. Cette pulsion, cette force biologique favorise la recherche de nombreuses substances toxiques naturelles ou artificielles, elle programme des comportements de recherche et de consommation. Ses voies sont impénétrables et produisent des situations dramatiques. Au cours des siècles les Hommes ont cherché à éprouver toutes les sensations possibles : plaisir, soulagement de la douleur, révélations mystiques, stimulation, relaxation joie, extase, compréhension de soi, états de conscience altérés ou simplement sensations nouvelles. Ces aspirations, ces passions règlent une bonne partie du comportement. Lorsqu'on ne peut les satisfaire, la drogue devient l'instrument de cette satisfaction. L'homme n'est pas né avec des motivations acquises, elles sont pourtant naturelles, expressions de ce que nous cherchons à être. Cette recherche des états suscités par la drogue n'est pas plus anormale que l'assouvissement des autres pulsions, la recherche d'émotions fortes ou de n'importe qu'elle motivation acquise. L'attraction pour l'intoxication à la puissance d'une pulsion primaire. Cette motivation acquise est aussi puissante que celles qui sont innées, son pouvoir d'action est étonnant, il va jusqu'à diriger le comportement des individus, des sociétés. Cette quatrième pulsion ne peut pas être réprimée, elle est biologiquement inévitable. On ne peut l'éliminer mais on peut se détruire en tentant de le faire. Les substances qui assouvissent cette pulsion de drogues peuvent etre naturelles, artificielles, materielles ou virtuelles. On a négligé la puissance de la quatrième pulsion, il faut donc apprendre à la contrôler.