La faim qui tue le grelottant ( Mel Vadeker, 1997)
 

J'ai commencé à ressentir ma douleur sur le sol en béton armé, écoutant la musique de mon corps, je chante la faim qui tue le grelottant. La volonté croissance, le désir d'exister me pousse à reculer les limites de mon humanité. Je suis médium, je sens la vitalité me parcourir et la joie de vivre me traverser tous les matins du monde.

La musique descend, comme le fait l'eau qui coule le long de la rivière. Il y a dans ma poitrine un souffle de vie, une mélodie douce et profonde. Je me souviens de la première fois que j'ai respiré sur cette terre, de ma renaissance dans le monde.

Une beauté parfaite sur le moment mais une exigence de la survie impérieuse à se faire connaître de ma nouvelle identité. Vie, je t'ai tout donné et maintenant je ne suis rien. Planète à multiples visages tu m'as enseigné l'élévation de l'esprit et sur les ailes du cosmos j'ai appris que je ne peux pas supporter ma propre conscience.

Je n'ai pas rencontré mon âme soeur, si elle se reconnaît qu'elle me joigne par télépathie car je suis encore vivant et le resterais pour encore au moins un siècle. Je suis malade de mes exigences insensées, malade de rester dans la solitude et ne pas pouvoir communiquer mon savoir sur l'univers de l'âme. Je suis encore jeune et je cherche à partager la musique intérieure avec les spectateurs du concert de la vie.

Je n'ai pas oublié la soif de vivre. J'ai toujours aussi faim ! Il me manque le contact prolongé avec la poésie puissante de la conscience de soi. La vie me dépasse complètement, je suis médium mais pas devin. Je ne connais pas d'avance la route de mon destin même si par moment je peux deviner les choix possibles en exerçant ma vision.

Je cours sur les routes de ma vie en espérant faire des rencontres avec ces êtres hors du commun que sont les poètes guerriers, ces combattants d'un autre temps, ces résistants de l'humanité non connue. Je suis comme eux, j'ai descendu la rivière à la recherche de sa source, près à accomplir un acte grandiose. Je n'ai pas attendu de naître au monde pour comprendre que mon âme est en dehors du temps, pour sentir chez mes frères humains la folie de la survie.

Un pas vers le dehors pour observer le monde, un pas vers le dedans pour agir et préserver la paix. Tous les jours je reste ahuri, je m'éveille au monde comme un acrobate saute dans le vide. Je force mon corps pour un développement de la force que je cherche à maîtriser. Ce que je souhaite c'est vivre pleinement l'énergie brutale de la vie que je porte, c'est voir les chants du cosmos et y répondre dans une mélodie partagée, c'est rejoindre l'esprit du soi dans le réel imaginaire, dans le présent instantané.

J'utilise des forces invisibles et impalpables, je maintiens ce lien avec l'apothéose sans aucun effort physique. Je suis à la fois misérable et immense, je tremble de tout mon être car la faim me tiraille les entrailles mais je reste puissant car je suis un dieu en miniature.