Ulysse face à Circé (Mel Vadeker, 1999)
 

J’ai vu Circé transformer en troupeaux de porcs, d’agneaux et de moutons des êtres humains sans saveurs, perdus dans les tréfonds d’une errance contemplative sur le pourtour d’un lac de honte.
C’est ainsi que j’ai vu mes frères humains se perdre dans l’inhumanité de la sauvagerie, perdre tout statut social et revenir à des instincts bestiaux. Je les ai vus résister de toute leur force pour s’empêcher de voir leur chaire se transformer en masse hirsute et déformée par la haine.

Circé n’est que l’instrument d’une magie sans nom qui fait passer une puissance de la vie pour mettre à l’épreuve des humains qui se cherchent.

Tu es un être humain ou un animal, quelle différence ? Montre-moi qui tu es vraiment ! Voilà la question qu’elle pose avant de mettre le feu de la vie sur le visage de ses victimes. Je l’ai vu du haut de sa connaissance faire le geste magique avant de fondre sur l’être immonde avec toute la puissance de sa colère.

Il n’existe aucun chance de s’échapper du sort étrange pour celui qui cache sa honte en lui et qui n’a pas accompli son geste de béatitude, sa prise de décision sur les limites de son humanité. Voilà la seule chance de remporter la victoire sur Circé, il faut avant de vivre cette confrontation, faire ce pèlerinage au cœur de l’identité humaine et soulever le voile de la monstruosité qui sommeille dans le cœur de toute créature vivante, faire l’exploration de ses pulsions fondamentales du corps en devenir.

Il faut alors apprendre à contrôler la rage des fibres corporelles même si la puissance de la nouvelle chaire redécouverte est trop forte, il faut atteindre la mémoire du vivant sinon on risque de sombrer dans la solitude bestiale.

L’enjeu est de taille, c’est l’évitement de l’histoire sans fin de la haine, de la vengeance, la fin de l’emprise des instincts primitifs sur l’humanité en devenir. L’important est de se battre pour vivre dans le respect avec une éthique, un sens moral évident car la vie est un miracle. Ceux qui refusent de reconnaître cette sagesse tombent sous le sortilège de Circé.

J’ai cherché à tout savoir sur mon histoire personnelle avant d’affronter une puissance de la nature, c’est comme voir une image vivante de soi sortir d’un miroir et lutter contre elle pour la maitrise de son monde interieur. Il est difficile de conserver son humanité sous les chocs de la souffrance et les replis d’une morsure brûlant le noyau de la conscience jusque dans son origine. Ceux qui survivent à la profondeur de l’introspection pourront faire face à Circé sans crainte et contempler la magie de la métamorphose sans perdre leur visage.

Circé me parle encore et m’avertit de ne pas rompre ma pratique de la méditation : tu dois survivre à l’épreuve du feu de ta propre conscience si tu veux faire parti des humains, sinon restes avec ceux que j’ai transformés !

Je sais maintenant pourquoi mes compatriotes sont devenus des bêtes. Ils ont été ravagés par les pulsions fondamentales sans tenir l’équilibre d’une conscience tiraillée, sans résister au souffle de l’horreur humaine. Il y a un point dans le cœur de tout Homme, un point de non-retour qu’il faut franchir afin de comprendre vraiment la nature profonde de l’âme dans la nouvelle chaire reconstruite de toute pièce par l’effort.

Une dernière parole de Circé : reste un homme quitte a perdre ton innocence ou perd toi dans les affres de l’errance bestiale des pires qu’humains, de ces renonçants perdus comme des âmes en peine !