A Toi, homme, qui viendra trouver mon cadavre. Ceci est mon testament, ma dernière vision qu'il m'a fallu consigner par écrit. Lis cette histoire du passé ou du futur, et plonge toi en elle.

Venant du nord, un géant aux bras puissants  s'apprête à conquérir la toute-terre.Sa chevelure ignée entoure deux éclairs, sa peau est de suie, ses dents d'ivoire blanc.  Il semble fou, pourtant il est clairvoyant.

 Atarxias s'interrompit un instant, pour s'asseoir au sol, avec la pile de tablettes couvertes d'une écriture fine et serrée à portée de main. Après avoir vérifié qu'elles fussent toutes en bon ordre, il reprit sa lecture.

 Il marche dans une tourmente de vents,  où se raccornissent lichens et mousses. Son but secret est connu de tous.  Son nom est caché, car aucun savant  ne comprend sa venue si précoce des gels mortels du Septentrion féroce.

 Un Homme attend, regard rivé au Nord.  A ses côtés, se dresse une épée d'or. Le soleil dans sa course aveugle  des nuages perce le voile meuble.

 Une tempête se lève et annonce  la venue imminente du Nom Caché. Les éclairs déchirent, fâchés,  la pénombre d'un coup de semonce.

 - Qui es-tu, ô Fétus Revêche?
 - Je suis Celui-qui-t'empêche,  car parmi nous Tu n'as droit de cité!  Ta place est au Feu en-Bas Précipité!
 - Qui es-tu pour me faire barrage?
 - Entends! Je suis le Sage des Sages,  celui qui sait pourquoi Tu viens!  Je suis l'Elu du Peuple Divin!
 - Qu'il en soit ainsi", répond à l'âme butée une voix comme une lame trois fois affutée.

 Je vois ensuite un combat s'engager, épique comme une saga enragée, où se le disputent les Héros Glorieux aux Fous Démons et aux Grands Dieux.

 L'issue s'en suit, fatale au présomptueux, Celui qui se voulait l'Elu Vertueux.

Ses entrailles sont dispersées  de part la terre, fécondant le sol  de trop de pourriture accumulée
lors de festins, de ripailles folles. Le cerveau est jeté dans le ciel blanc, où l'esprit enfermé dans ce carcan peut enfin au nouvel horizon se vivifier. Ses gonades rebondissent sur la Lune, laissant sur la neige leurs runes pour l'éternité pétrifiées.

Et suit son chemin le géant fort au travers la glace et la mort. En avant de lui, se pare une étoile de ses atours

Plus au Sud, des Hommes tiennent conseil: la fin de l'un des leurs étranger à eux est enfin parvenue à leurs oreilles. Le froid rampe déjà jusqu'à eux. Les moissons se meurent, la famine s'annonce.

Ils palabrent sans fin sans qu'une once d'accord entre eux ne les réunisse. Le géant, de la terre ses fils
d'une main balaie et les broie. sans qu'un seul ne s'en aperçoive.

Mais d'autres des premiers leurs pareils pointent sur lui des armes immenses. Ils lâchent sur lui la puissance plus brillante que cent mille soleils. Ils lâchent moult maladies plus féroces que l'Ultime Vipère. Puis, ils déchaînent la magie des débuts même de l'Univers.

Mais peut-on tuer le feu par le feu? Feu, maladies, et magie détournée se retournent sans parade contre ceux qui les ont imprudemment invoqués

Le chaos des éléments poursuit invaincu sa route.

Je vois au loin une lune toute embellie de ses précieux diamants.

Des pasteurs voient leurs bêtes de trait s'affoler dans le tourment crépitant d'un nuage de sauterelles le froid fuyant. Courageusement, ils contrent les plaies qui s'abattent sur eux telles des rapaces.

Alors qu'ils tentent de faire face, le géant les pétrifie de son souffle vil, les délivrant de leurs tâches serviles.

Les femmes hurlent au marricide! De se ruer sur lui elles décident! Avec un sourire indolent
de pied ferme, il les attend.

Elles sont des milliers, de pied en cap voilées, tentes à pattes en grand désordre. Il se laisse toucher, griffer et mordre empoigner, maltraiter, et il en rit, ses yeux brûlant des tissus raidis chargés de lourdes senteurs.

 - Encore, nourrissez-moi, ô Femelles!"

 Et il en vient de nouvelles nombreuses comme des mouches à beurre. Et l'une après l'autre, enfin
 elles tombent, vidées de leur venin.

Le géant enjambe les trainées de cadavres. Derrière lui, des tissus en lambeaux agitées de vents fous sans havre couvre et découvre les délicats os en des peaux desséchées et ouvertes. Leurs enfants, voyant la perte de Celles-précieuses-à-leur-coeur se lancent à l'assault de l'ennemi, sur
Celui-par-le-sang-rajeuni le Terrible meurtrier sans pudeur. Il les balaie dans les tourments de leur jeune âme trop aisément.

 L'Onyx Igné, victorieux, s'avance dans la dure sécheresse mortelle.
 En avant de lui je vois une belle déjà prête à sa première romance.

Ses cheveux sont noirs et vivaces, sa peau est mate, son regard flamboyant car elle est et n'est pas de sa race. Autour de sa tête flotte chatoyant un voile translucide moiré de mirages. Sous ses pieds, l'herbe se réveille au rayon fleur-riant d'un soleil glissant de parmi les noirs nuages.

 Elle l'attend...

Il arrive, et sa bouche se tord d'un sourire à sa vue. Et il se réjouit du carnage entrevu, tout à fait sûr de faire mouche.

La Femme dit: Si longtemps, je t'attend! Viens à moi, ici et maintenant!... un hurlement funèbre fend en deux le ciel, montrant les ténèbres.

- Tu es à moi, Pucelle depuis le début des temps!

De la Femme glisse un sourire narquois à ses fins pieds: De même toi à moi, depuis le début des temps.

Et pour la première fois, le Toujours-Victorieux hésite: quelqu'un le regarde sans crainte!

Et pour la première fois, Quelqu'un ne fuit son ire furieuse! Comme l'amour, elle se tient courageuse!
Car pour la première fois, impuissant comme une enfant même il devient! De tout son être, elle l'aime!

Dans sa révolte brutale, il ravage sans rédemption ciel, monde et création jusqu'au néant primordial.

Et les ténèbres devront régner pour toujours! Et les ténèbres disparaitront à leur tour!

Il contemple son oeuvre achevée, mais il n'y a plus rien à contempler.

Or, là où ses regards ne se tournent une parcelle de lumière devient l'objet de sa colère :
sur une improbable colline, se tient la Femme-Gemme, avec de nobles fleurs autour, rayonnant pour lui d'Amour.

Par de grands pleurs abondants sa fonte comme neige au soleil le réduisent à la taille de son inégalée prétendante.

D'un geste qui le désarme, elle lui touche les cheveux lisses, et sa main lentement glisse jusqu'au menton humide de larmes.

De noire moirée, sa peau devient dorée. Sa mutation l'éclaire sur la nature de l'Autre, lui-même complément de lui-même.

Par le jaillisant troisième ils se réunissent en l'Unique!

Et je vois ce miracle fol: ils fondent en un seul !

Je vois:  La Lumière explose et pétrit Ether, espace, temps, matière, énergie, autant de supports tant hasardeux qui se placent pour le nouveau Jeu!

Un Unique Soleil fuse de ce soleil d'autres fusent, et d'autres en cascades d'or de ceux-là fusent encore!

Des systèmes, des mondes s'ordonnent des océans, des montagnes s'enracinent des plantes, des fleurs respirent des créatures de la boue se tirent.

La source s'écoule sans fin pour les fragments de l'Un Parties du Tout Du Tout de Rien.

Ce qui a été la Femme dit : - Vois, ce sont nos Enfants!

Ce qui a été le géant dit : - Oui, ce sont nos Enfants.

Cela est le retour au centre vertical, l'axe d'ambre.

Ce qui a joué la Femme dit :

- Vois ce que je vois ici, naissant comme un diamant jaillissant d'un diamant issu du Prime Diamant...

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