L'architecte en chef de Microsoft s'en prend régulièrement à la licence utilisée dans la communauté GNU/Linux, la GPL. Richard Stallman, le père de la GPL, défend sa philosophie et nuance celle de Bill Gates.

GNU/Linux : Richard Stallman répond à Bill Gates

Par Richard Stallman (GNU.org), 10 mai 2002

«Utiliser GPL / C'est contrôler nos droits / pour contrôler les vôtres» - haïku anonyme découvert sur le Net et légèrement amélioré.

Si vous réfléchissez à la dernière attaque de Bill Gates contre la GNU General Public License ou GNU GPL (lire le texte du Chief Architect de Microsoft publié le 17 avril 2002), souvenez-vous qu'il faut savoir lire entre les lignes.

Gates explique que les logiciels libres [free software, logiciels répondant à la dénomination de Stallman et distribués selon la GPL - Ndlr] concernés par la GPL ne peuvent pas être commercialisés, alors que cela a déjà été le cas. Même Microsoft vend un package qui intègre des logiciels en GPL (mais qui intègre également des logiciels qui ne sont pas libres, alors ne l'achetez pas!), IBM, Apple et HP distribuent et développent tous des logiciels libres en GPL. Mais ce ne sont pas les seuls, et d'autres sociétés plus petites le font également. Aux USA, c'est par exemple le cas de Red Hat et de Ada Core Technologies. En France, à ce qu'on m'a dit, il y a environ 50 PME qui proposent différents types de support pour les logiciels libres. J'imagine que le chiffre est plus élevé aux USA, mais je n'ai pas de données précises à ce sujet. Toutes ces sociétés ont déjà commercialisé du logiciel libre. Ce qu'elles ne peuvent pas faire, c'est se l'approprier.

«Ce qui est à moi est à moi, et ce qui est à vous est à moi»...

La vraie raison pour laquelle Microsoft s'attaque à la GPL, c'est qu'elle donne accès à des logiciels que Microsoft ne peut pas s'approprier et contrôler.

L'approche de Microsoft des logiciels libres est simple : «Ce qui est à moi est à moi, et ce qui est à vous est à moi». Gates pense que Microsoft devrait avoir le droit de prendre les logiciels libres développés par d'autres pour en faire des versions propriétaires, dont le code source serait un secret de fabrication : ils veulent nous pousser à développer, mais pour mieux contrôler l'ensemble. Nous sommes supposés les remercier de s'intéresser à nous. Mais Microsoft n'a pas l'intention de nous soutenir à hauteur de notre bonne volonté : essayez de leur demander une copie du code source de Word ou même de Flight Simulator, pour partager avec le monde entier votre version améliorée du produit... Même pas en rêve! Dans la vision que Microsoft a du monde, la coopération ne va que dans un sens : vers eux !

Nous, nous disons: «partager et partager équitablement». Gates, bien qu'il soit passé par la maternelle, n'a pas encore appris à partager.

Le programme de Shared Source («source partagée»), instauré récemment par Microsoft, n'a rien à voir avec le partage... Ce n'est qu'un autre nom pour «clause de confidentialité» (ou NDA, non disclosure agreement). Pensez-y à deux fois avant de vous engager, parce que ce n'est pas seulement anti-social, c'est également risqué. Vers 1990, des étudiants qui avaient étudié le code source secret de la version Unix [des laboratoires] de l'opérateur AT&T ont eu du mal à trouver un emploi, parce que AT&T avait menacé de poursuivre les étudiants qui utiliseraient des idées rappelant cette version d'Unix. AT&T a finalement fait marche arrière, mais avant cela, certains employeurs avaient peur d'engager quiconque avait signé un NDA avec AT&T. Microsoft est beaucoup plus puissant que AT&T ne l'était dans le domaine du logiciel, et beaucoup plus arrogant. Vous pensez vraiment que Microsoft ne va pas tirer avantage de sa puissance?

Liberté, partage

Le logiciel libre, c'est la liberté : la liberté pour les utilisateurs de contrôler l'usage qu'ils font de leur ordinateur. Un programme non-libre, c'est une atteinte à votre liberté : son but est de garder les utilisateurs divisés et dépendants, «verrouillés». Si l'on compare le monde du logiciel à la nature, les développeurs de logiciels propriétaires sont les prédateurs, et les utilisateurs la proie. Microsoft veut vous obliger à «louer» du logiciel, exactement comme l'industrie du disque veut vous obliger à «louer» la musique. Dans tous les cas, ils cherchent à y parvenir en vous empêchant de changer les logiciels sur votre ordinateur.

Gates veut que vous restiez des proies, sous prétexte de créer des emplois. Est-ce vraiment sain de faire des produits nocifs pour les utilisateurs, juste pour employer davantage de gens à les produire ? C'est une politique de «chantiers nationaux», pas de l'économie de marché. Gates voudrait que tous les habitants du monde se précipitent pour travailler pour Microsoft, mais attention : il y aura des millions de perdants pour quelques dizaines de milliers de gagnants. Gates voudrait que tout le monde gagne de l'argent avec Microsoft, mais attention : ils ne rendront qu'une partie de l'argent qu'ils vous auront pris.

Gates veut que vous restiez des proies, sous prétexte «d'innovation», mais il n'est pas besoin d'être économiste pour savoir que les monopoles entraînent des produits de moins bonne qualité, des prix plus élevés et une chute de l'innovation. Microsoft a dépensé des milliards de dollars en relations publiques, pour faire croire qu'ils étaient à l'origine d'idées volées aux autres, tout en prétendant être le seul monopole du logiciel qui bénéficie au public. Quiconque connaît un peu le monde du logiciel sait que ces affirmations sont ridicules.

Les systèmes d'exploitation GNU/Linux vous offrent une chance de retrouver votre indépendance. Ne la ratez pas.

Copyright 2002 Richard Stallman (http://www.stallman.org/). La reproduction exacte et la distribution intégrale de cet article est permise sur n'importe quel support d'archivage, pourvu que cette notice soit préservée.



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