Les psychopathes sont parmi nous. Analyse et détection de la psychopathie.


Vivre sans aucune morale : les psychopathes à cravate
Marc Allard, mars 2009, le-soleil

C'est le genre de collègue qui vous pourrit la vie. Cupide, manipulateur et impitoyable, il n'hésite pas à écraser les autres pour monter dans l'entreprise. Et pourtant, vos patrons l'adorent.

Un jour ou l'autre, il y a de fortes chances que vous ayez déjà croisé quelqu'un comme ça au boulot qui, malgré tout ce qu'il pouvait faire comme dégâts, ne ressentait jamais le besoin de faire un examen de conscience.

Les psychologues ont un nom pour ce genre d'individu : «psychopathe». Contrairement à la croyance populaire, ce ne sont pas tous des tueurs en série. Seulement 10 % sont assez violents pour se retrouver en prison. Les autres sont parmi nous - à l'école, dans votre équipe de hockey, au café, dans votre bain. Selon certaines estimations, ils représenteraient 1 % de la population générale, donc près de 70 000 Québécois.

Nuisance au boulot

Le travail est une des sphères de la vie où ils réussissent le plus parce que les symptômes de ce trouble grave de la personnalité - la «psychopathie» - s'apparentent souvent aux qualités valorisées dans l'entreprise moderne. D'ailleurs, les psychopathes sont souvent très convaincants durant l'entretien d'embauche, indique au Soleil le Dr Paul Babiak, psychologue industriel et coauteur, avec le spécialiste mondialement reconnu de la psychopathie Robert Hare, du livre Snakes in Suits : When Psychopaths Go to Work.

«Ils se révèlent charmants, un peu grandiloquents, un peu narcissiques, mais cela apparaît comme de la confiance en soi, décrit-il. Ils sont manipulateurs, mais passent pour des gens persuasifs. Ils manquent d'empathie, mais dans le monde des affaires, ce n'est pas nécessairement vu comme une mauvaise chose, spécialement quand il y a des décisions difficiles à prendre, comme fermer une usine ou une manufacture.»

Les psychopathes sont incapables de ressentir des remords, de la culpabilité ou de se mettre dans la peau de quelqu'un d'autre. Ils s'ennuient rapidement, recherchent la gratification immédiate et voient leurs collègues de manière strictement utilitaire. Résultat, ils minent le moral de l'équipe et freinent la productivité, souligne M. Babiak.

Il y a 10 ou 15 ans, lorsque les entreprises étaient davantage hiérarchisées et réglementées, les psychopathes avaient plus de mal à gravir les échelons, poursuit-il. Mais dans l'environnement économique actuel, toujours plus compétitif, plus rapide et déréglementé, leur ascension est devenue beaucoup plus facile.

Son coauteur Robert Hare en avait donné quelques exemples à Montréal en octobre dernier. Invité-vedette des Rendez-vous de l'Autorité des marchés financiers, un colloque annuel lancé il y a trois ans dans la foulée de l'affaire Norbourg, le professeur émérite de l'Université de Colombie-Britannique avait fait défiler les photos de plusieurs criminels financiers. Parmi les plus illustres, il y avait Jeff Skilling, l'ancien président de la firme frauduleuse texane Enron, condamné à 24 ans de prison pour fraude en 2006, et Daniel W. Heath, une sorte d'équivalent californien de Vincent Lacroix, qui a fait disparaître 197 millions $ placés par de petits investisseurs, condamné à 127 ans de prison.

Aveugles aux sentiments

Qu'ils soient tueurs en série ou criminels financiers, les psychopathes ne se soucient pas des torts qu'ils peuvent causer à autrui parce qu'ils en sont tout simplement incapables. «Essayer d'expliquer des sentiments à un psychopathe, c'est comme décrire des couleurs à un daltonien», illustrait M. Hare à un journaliste de La Presse.

Auteur de la fameuse liste de vérification en 20 points pour détecter les psychopathes chez les criminels, M. Hare l'a réadaptée pour les psychopathes au travail en excluant les comportements antisociaux et en retenant huit traits de personnalité distinctifs (voir le questionnaire Votre collègue est-il un psychopathe?).

En 2001, deux chercheuses britanniques de l'Université de Surrey se sont servies de cette liste pour comparer les traits de personnalité de 39 pdg de grandes entreprises britanniques avec ceux de patients psychiatriques et de criminels avec des problèmes de santé mentale. «Notre échantillon était petit, mais les résultats étaient définitifs. (...) Les troubles de personnalité des gens d'affaires se confondaient avec ceux des criminels et des patients psychiatriques», expliquait dans le New York Times Belina Board, une des chercheuses.

Psychopathes à succès

Mme Board et sa collègue Katarina Fritzon en concluaient que les pdg en question étaient devenus «des psychopathes à succès», par rapport aux «psychopathes sans succès», plus agressifs et plus impulsifs, qui échouent en prison.

Pour la plupart, les psychopathes criminels sont habituellement issus de milieux plus pauvres et ont grandi dans des familles difficiles. En revanche, les psychopathes au travail viennent souvent de familles de la classe moyenne ou plus élevée et ils ont grandi avec des familles aimantes, souligne M. Babiak dans Snakes in Suits. Ceux que le psychologue a interviewés étaient presque tous allés à l'université et plusieurs détenaient des doctorats. Or, ils avaient tendance à raconter qu'ils avaient grandi dans des conditions difficiles et avaient dû travailler fort pour se rendre où ils étaient.

Bien sûr, un homme ou une femme d'affaires peut être menteur et posséder d'autres des traits de personnalité du psychopathe sans en être un. Le problème, quand on apprend à connaître les psychopathes, c'est qu'on peut se mettre à en voir partout, admet M. Babiak. «Oui, dit-il. (...) Mais il vaut mieux savoir les reconnaître quand il y en a un près de vous.»

Et les femmes?

Les chercheurs ne s'entendent pas sur la proportion de femmes chez les psychopathes. Certains disent qu'elles sont rares ; d'autres qu'elles sont presque aussi répandues que les hommes.

Chose certaine, elles existent. On pense à Karla Homolka. Sauf que, comme pour leurs vis-à-vis masculins, les psychopathes féminines ne sont pas toutes des meurtrières. En 2006, Elham Forouzan, chercheuse au centre de recherche de l'Institut Philippe-Pinel de Montréal et psychologue à l'hôpital Louis-H.-Lafontaine, a mené une étude auprès de 80 femmes incarcérées dans des prisons québécoises. Le journal Forum, de l'Université de Montréal, rapportait que Mme Forouzan avait entre autres conclu que durant l'adolescence, les femmes adoptaient plutôt des comportements autodestructeurs et commettaient des vols et des fraudes, alors que les hommes avaient surtout des comportements violents. L'étude de Mme Forouzan montrait également que la promiscuité sexuelle des femmes psychopathes servait davantage à «exploiter» les autres, tandis que les hommes recherchaient des «sensations fortes».


Le test «anti-psychopathes» sera bientôt utilisé dans les cabinets de recrutement

Francesca Sacco, octobre 2006, www.letemp.ch

Les psychologues ont identifié un type de personnalité susceptible de perturber gravement le fonctionnement d'une entreprise. Un nouveau test psychologique devrait permettre de les détecter lors des entretiens d'embauche.

Le médecin canadien Robert Hare, considéré comme le spécialiste mondial de la psychopathie, a transposé sur des populations de cadres supérieurs un test qu'il a développé en milieu carcéral pour diagnostiquer la psychopathie.

Professeur émérite de l'Université de Colombie-Britannique, à Vancouver, Robert Hare estime qu'il existe une analogie entre les psychopathes incarcérés pour des viols ou des meurtres, et certaines personnes parfaitement bien insérées dans les hautes sphères de l'économie.

«Son hypothèse est intéressante, car elle propose une autre lecture des qualités recherchées chez les dirigeants, comme la capacité de contrôle, la quête du pouvoir, le goût de la compétition, etc.», explique Philip Jaffé, professeur de psychologie à l'Université de Genève.

L'expression «personnalité dyssociale» a commencé à être utilisée pour désigner des individus capables de saper l'entreprise qui les emploie. L'appellation est un nouveau synonyme de psychopathie et concernerait environ 1% de la population.

Il s'agit de personnes «dépourvues de scrupules, agissant de sang-froid et indifférentes aux sentiments d'autrui», selon Robert Hare.

Une fois engagées, elles n'ont plus qu'un seul but: être nommées calife à la place du calife à n'importe quel prix, fût-ce au détriment des intérêts de l'entreprise. Les principaux traits de ces individus sont une estime de soi exacerbée, un charme superficiel doublé d'une volonté de séduire, une propension au mensonge et à la manipulation, une incapacité à admettre ses erreurs et l'absence de tout sentiment de culpabilité.


Portrait robot du psychopathe

Les noms qui nous viennent spontanément à l’esprit, à l’évocation du mot « psychopathe », sont ceux de Michel Fourniret, Marc Dutroux ou Guy Georges. En réalité, la psychopathie est un trouble du comportement relativement répandu (environ 1 % de la population) et fort heureusement, rares sont les psychopathes qui basculent dans le crime. La majorité d’entre eux vivent des vies normales. On peut en croiser dans tous les secteurs de la société. Mais apprenez tout de même à les détecter, de crainte que l’un d’eux ne s’immisce dans votre existence et ne la saccage...

Robert Hare est le grand spécialiste mondial de la psychopathie. Il a consacré sa vie à la définition de ce trouble du comportement qui prend la forme d’un syndrome de traits psychologiques. Les psychopathes possèdent généralement la plupart des caractéristiques suivantes :

De beaux-parleurs : ils sont souvent très doués à l’oral, d’autant qu’ils ne ressentent pas d’anxiété ou d’appréhension à parler en public. Ils ont réponse à tout et sont capables de moucher les meilleurs orateurs. Bagout extraordinaire, tchatche exceptionnelle, faconde hors-norme. Méfiance.

Charme, charisme, aura : les psychopathes sont souvent charismatiques. Certains se transforment en gourous dans des sectes. On leur prête naturellement des qualités de meneurs d’homme. Ce sont de grands séducteurs. Si vous les intéressez (parce que vous avez de l’argent, du pouvoir, du prestige), ils parviendront à gagner votre confiance.

Narcissisme : les psychopathes sont toujours très arrogants, mais certains parviennent à dissimuler ce trait de personnalité déplaisant sous une fausse modestie. Ils ont une vision grandiose de leur propre importance. Ils ont l’impression d’être des surhommes, des individus à part, des bienfaiteurs, des sauveurs. Ils se perçoivent comme le soleil de la scène sociale. Leurs démarches, toujours intéressées, seront souvent présentées comme des faveurs. Dans leur esprit, tout leur est dû car ils sont exceptionnels ; par conséquent, ils se servent. On parle souvent de leur « mégalomanie » ou de leur « égocentrisme ».

Absence d’empathie : les psychopathes sont abominablement dépourvus d’empathie. Ils n’ont pas de sentiments pour les autres : ni amour, ni amitié, ni compassion. Parfois, ils font même preuve de sadisme. Beaucoup mettent en scène, de manière théâtrale, leur empathie. Ils s’efforcent de se faire passer pour ce qu’ils ne sont pas : des personnes sensibles avec un cœur grand comme ça.

Manipulateurs hors-pair : il existe de multiples manières de manipuler autrui. Les psychopathes possèdent un répertoire de techniques de manipulation particulièrement riche. Ils mentent avec un aplomb déconcertant ; ils peuvent vous culpabiliser en évoquant des obligations familiales ou professionnelles ; ils ont recours à des expressions-cadenas pour vous obliger à penser comme eux. Par exemple : « Quiconque pense le contraire est hypocrite ». Ils adoptent fréquemment une tonalité docte et se posent en dépositaires du savoir absolu. Ils tiennent des propos ambigus qui visent à vous faire comprendre leur pensée sans avoir à la formuler explicitement, pour éviter de se mouiller, etc.

Gestion virtuose de leur image : ils se comportent différemment selon les personnes à qui ils ont affaire. De sorte que certains les trouveront admirables, alors que d’autres auront perçu l’envers de la médaille : les mensonges, les manipulations, l’arrogance. Ils peuvent aussi se comporter très différemment en public et en privé, si bien qu’on a l’impression d’avoir affaire à un Dr Jekyll et Mr Hyde. Les psychopathes sont des communicants instinctifs. Ils ont un talent naturel pour donner d’eux-mêmes une image très flatteuse. Ils se font valoir pour le travail et les réalisations de leurs collègues ; ils bidonnent leur CV ; ils arrangent leur histoire ; ils traquent férocement tous ceux qui dans leur entourage ont compris à qui ils avaient réellement affaire et seraient susceptibles de faire tomber le masque.

La labilité logique : les psychopathes ont tendance à multiplier les erreurs de raisonnements. Ils accordent trop d’importance à certains faits, en minimisent d’autre. Leur esprit d’analyse, très sélectif, ne détecte que ce qui les arrange. Leur mémoire fonctionne de la même manière. Il leur arrive de se contredire dans une même phrase. Ils font des promesses qu’ils oublient peu de temps après. Ils commettent des lapsus, interprètent mal une situation. Tout cela pour vous manipuler. Après coup, ils vous diront qu’il s’agissait d’un « malentendu ».

Prise de risque : les psychopathes ont tendance à s’ennuyer et prennent plus de risques que les autres. Ils sont irresponsables et ont, semble-t-il, du mal à envisager toutes les conséquences de leurs actes. Ils ont fréquemment des trajectoires météoritiques. Du jour au lendemain, tout s’effondre comme un château de cartes. Parce que le psychopathe vit dans une bulle de présent. Il préfère jouir d’une gloire éphémère.

Absence de remords : ils ne ressentent jamais aucuns remords. Ils n’assument pas leurs responsabilités. Ils rejettent systématiquement la faute sur des boucs-émissaires. Ils essaient de culpabiliser les autres et de se faire passer pour de pauvres victimes. Ils minimisent les dommages qu’ils ont commis.

L’agressivité : les psychopathes sont toujours très agressifs et très combatifs. Ils ont aisément recours à des menaces. Ils conçoivent la vie comme une succession de combats avec, à chaque fois, un vainqueur et un vaincu. Ils sont déterminés à faire ce qu’il faut pour sortir vainqueur. Certains ont un tempérament explosif et peuvent en venir aux mains aisément. Ils abusent des procédures juridiques. Ils passent leur temps à dénigrer, à critiquer, à dévaloriser pour alimenter leur soi grandiose. Ce qu’ils font est exceptionnel ; ce que les autres font est banal.

La paranoïa : les psychopathes ont tendance à penser que tout le monde possède le même profil psychologique qu’eux. Si jamais on leur demande des comptes, ils crieront au complot. Ils ont souvent des tendances paranoïaques, pensent qu’on veut leur « faire la peau » ou qu’on leur a « baisé la gueule ». Ils n’ont aucun mal à imaginer que les autres commettent toutes sortes d’ignominies, car c’est ainsi qu’eux-mêmes se comportent. L’humanité est une confrérie de requins selon eux. Les psychologues disent qu’ils « projettent » sur autrui leurs propres dispositions psychologiques. Ils possèdent une connaissance intuitive du vice qui leur permet de voir le mal partout et notamment dans le bien. A leurs yeux, une amitié sincère devient du « copinage », du « piston », des « arrangements ». Ils peuvent se transformer en inquisiteurs féroces. Beaucoup de gens se font avoir et pensent qu’une personne qui dénonce avec virulence l’amoralité d’autrui est nécessairement exemplaire.

L’appétit de pouvoir : les psychopathes sont des « control freak ». Ils éprouvent le besoin de contrôler les gens qui gravitent autour d’eux et qu’ils perçoivent comme des objets ou des robots rats dont la seule fonction serait de subvenir à leurs besoins (psychologiques, matériels, sexuels). Ils sont dominateurs. Certains deviennent de parfaits tyrans domestiques. Ils occupent fréquemment des postes à responsabilité dans leur vie active. Ils s’entourent d’adjoints dociles et traquent tous ceux qui peuvent leur faire de l’ombre.

Ils connaissent la langue, mais pas la musique : le spectre émotionnel des psychopathes est pauvre. Ils apprennent tout au long de leur vie à simuler ces émotions qu’ils ne ressentent pas, notamment toutes celles qui relèvent de l’empathie et du sens moral : l’amour, l’attachement, la compassion, la honte, la tristesse, la dépression. On a souvent remarqué à leur propos qu’ils connaissent la langue, mais pas la musique. Les émotions qu’ils expriment sont parfois fausses. Ils ont tendance à en faire trop, leur style est grandiloquent, ampoulé, fleuri, pompier, truffé de métaphores. Il manque de sincérité. Les psychopathes manifestent leurs émotions à la manière d’adolescents sur MSN, en multipliant les points d’exclamation ou les smileys. Ils donnent l’impression d’une certaine immaturité émotionnelle.

Un style théâtral : les psychopathes ont tendance à en faire trop également sur le plan de la gestuelle. Ils ont un petit côté théâtral et parlent avec les mains, leur corps. Ils multiplient les mimiques, lèvent les yeux au plafond pour vous faire comprendre que vos propos sont stupides, ils soupirent, haussent des épaules, etc. Ils peuvent faire intrusion dans votre espace intime, vous toucher alors que vous les connaissez à peine. Ils outrepassent les étapes traditionnelles de l’amitié qui s’ébauche en s’efforçant de vous faire croire - trop vite - que vous êtes déjà les meilleurs amis du monde.
 


Ressources Internet :

 

Videos :

Je suis un psychopathe : Ian Walker filme les étapes d'un diagnostic qui doit déterminer si un patient est ou non psychopathe.

 


1/5 Harcelement moral et psychopathie

2/5 Harcelement moral et psychopathie

3/5 Harcelement moral et psychopathie