"Je recherche le texte limite, le texte qui met en transe. Je reconstruis le texte intérieur, le texte de l'histoire personnelle. Je suis le lecteur et je lis pour survivre."
Deux univers se heurtent, du choc naissent des sensations de découvertes, de recherches, de rejets, de haines, de joies, de tristesses... Pour animer cette rencontre, la prose par son art etrange plonge le lecteur dans un monde fantastique. Le monde écrit révélé par le monde intérieur du lecteur est un monde métamorphosé, transposé dans le cadre vivant de l'idée. Trésor de l'évocation et expression lyrique peuvent donner une chance de vivre une découverte.
Il faut aller jusqu'au bout de la révélation...
La double lecture est possible, le texte y affirme sa force d'expression
:
le lecteur consomme le texte, il supporte l'univers qu'il se construit,
un univers personnel de l'évocation et survole ainsi le monde connu
de la description.
Le lecteur audacieux pourra lire le texte autant de fois qu'il le supporte, il pourra découvrir un secret, le secret de la prise de conscience.
La lecture à tous niveaux devient possible, à la recherche du sens premier et du sens figuré, du signifiant et du signifié, de l'Etre et de l'Etant, de l'existence et de l'essence, de l'expérience et du symbole.
Une lecture à la lisière du connaissable qui dénonce l'effort insuffisant de la compréhension d'un artiste par son spectateur. L'auteur sait qu'il devra supporter ce double défi, son oeuvre est interprétée deux fois, par lui et son destinataire. La matière écrite sert cette une double analyse.
C'est dans l'univers mental que s'opère l'alchimie, univers de heurts et de connexions. L'auteur ouvre les pistes, donne un signe, le lecteur est libre d'approfondir son investigation et sa recherche .
Un impact d'une violence désirée de laquelle va éclore l'énergie supplémentaire que captera le symbole et son sens interprété, un impact donnant une idée claire de la révélation. Il s'agit bien d'une révélation, chacun se révèle ce qu'il est capable de supporter, de percevoir.
C'est une rencontre qui dépasse son créateur :
l'idée même de sa création lui échappe,
le processus de création l'a englouti et l'a dépassé.
Il dévoile plus qu'il ne croit, l'auteur cet artiste ne contrôle
pas tout. Il se sent en danger, il se dévoile beaucoup et se ressent
encore plus. Dans sa vision de l'univers il capture des puissances de vie
par le style d'une expression.
Une confrontation où la seule limite est en nous, où la peur parfois nous fait construire des remparts à l'émotion. Cette confrontation mène aux jeux des relations : l'auteur et lui-même, le lecteur et lui-même, le lecteur et l'auteur, l'inconscient de l'auteur et celui du lecteur.
La lecture se poursuit encore, elle émeut la pensée qui s'accélère. C'est une lecture plus profonde, d'un autre ordre, elle peut être dangereuse pour celui qui ressent trop vite. La rage de lire pousse plus loin, les proses se parlent, elles tissent un écheveau magique à l'aide du lien symbolique. Ce lien est une zone d'expression, un lieu unique et grandiose d'une affirmation constante chez l'auteur.
Le canevas de ce cadre auto-referentiel donne une surdimensionnalite à l'oeuvre. Un jeu d'appel qui donne à chaque prose une image autre, le recul nous fait penser à un agrandissement, à une amplification extrême. L'imaginaire baigne les vides entre les lignes et tisse la sensation. De là renaît une autre prose, la prose évoquée, une pensée construite qui s'étale derrière les mots et qui inspire le lecteur.
Au-dela de la prose nait l'expérience de l'hyper-prose. Prose intérieure et réseau grandiose, ambitieux, comprenant des images fractales d'elles-mêmes ainsi qu'une descendance inspirée. C'est la psycho-prose d'un auteur qui s'étudie et d'un lecteur qui se découvre avec lui. Le mot devient titre qui à son tour redevient prose renaissante enfantant cette symphonie bruyante qui hypnotise le moi et parle au soi. Un monde indicible, une guerre psychologique s'éveille, un défi qui élimine toute pensée rationnelle devant l'ampleur des percepts et le danger des affects.
On écarte le symbole pour se dévoiler l'expérience émotionnelle. Rien ne sert le symbole qui en décrit un autre car on dénature l'art de son origine, de son but, de sa force. Au contraire, on parvient a créer un style si l'expérience intérieure nourrit le symbole qui la reflète, ce dernier l'évoque ensuite et nous aide à l'appréhender différemment.
C'est un trésor, une richesse à chaque moment en évolution à notre portée tout près. Lorsque l'eclair jaillit, il sert la jonction, la connexion entre deux âmes.
Lire une prose est rentable mais la ressentir l'est encore mieux. L'auteur donne au lecteur une chance de survivre dans un monde recrée, la relecture devient alors cette aide à la découverte, à l'analyse multiforme, on y emploie une force d'investigation inexploitée.
Mais où est passé l'écriture? L'écriture peut ne pas être une censure. Celui qui écrit le fait soit pour adhérer au monde soit pour adhérer à lui-même, s'explorer et vivre l'indépendance et l'imagination libre.
Ce dernier écrit pour se révéler, pour la révelation, pour l'univers. Il écrit pour lui, pour s'étudier, se développer ou pour se détruire lui avec sa création, pour lui l'écriture n'est pas une censure. Le monde tolère de l'artiste certains écarts, certaines libertés à condition que sa création soit ou puisse être confondue à l'intérieure de la totalité artistique, c'est la concession que l'on s'accorde sous peine d'être ignoré. Mais si l'artiste ne tolère pas le monde, si l'artiste dépasse la compréhension qu'il en a alors il n'a plus besoin de faire de concessions, il peut tout dire sans aucune espèce de retenue, sans limitation, il peut se creuser et aller au plus profond prêt à y risquer sa vie.
L'écriture pour lui n'est plus ce système parmi tant d'autres où l'indépendance n'a plus de sens, c'est justement le contraire qui a lieu. Celui qui écrit alors de la sorte ne se soumet plus, ne s'admet plus, son expression, son idée, son mot ne sont plus les outils d'une nouvelle manière d'adhérer au monde mais exprime son potentiel de pouvoir, sa pulsion de pouvoir qu'il a sur son expression. Sa révolte n'est ni nouvelle ni ancienne, il n'a plus besoin de prouver quoi que ce soit, de s'accepter comme entité d'une réalité collective participant à la pensée d'un monde, aux rythmes d'une société.
Pour lui tout devient subjectif et relatif, la réalité reste une illusion et le monde du soi un univers inexploré et inexploité. L'artiste peut créer pour lui comme il crée pour le monde, il voit en effet le monde à travers l'oeil intérieur, il devient égoiste ou égocentrique, le monde commence d'abord par lui parceque le monde, des puissances de vie, une vision passe par lui.
Il ne fait plus la différence puisqu'il est le monde, il sait malgré tout que l'illusion est collective que les hommes y cherchent un chemin de réalisation. Il sent le tumulte des combats pour la survie, il sent que d'autres êtres ont des préoccupations différentes des siennes, il perçoit l'autrui et l'interprète. Il est impliqué dans un processus de création à tous niveaux, il recrée l'univers extérieur comme il le découvre de intérieur. Il est sur le fil du rasoir prêt à sombrer dans le génie ou la folie. Par la création il rêve de dominer sa vie, de contrôler sa destinée, de parvenir a une puissance du style de l'expression qui contiennent l'univers.
La prose peut exprimer l'homme dans sa totalité, la conscience est sans limites, on y trouve l'inspiration. Son langage n'est plus celui des mortels c'est celui des génies et des fous. Le langage-prison est réservé aux montons, aux agneaux qui s'égorgent. Le langage est relatif, cela prouve qu'il y a une profonde originalité dans l'expression.
La littérature est conditionnée par celui qui veut la lire, ce que vous voulez lire quelqu'un a essayé de l'écrire. Si la prose de l'autre ne vous convient pas, ne vous est pas utile alors écrivez en une! Elle peut être illogique, sans filiation cela importe peut. Devenez ce génie que l'on comprend ou ce fou que l'on évite, créez la littérature vengeresse non asservie par le langage. Prose de révoltes et de rebellions, prose libérée qui a valeur de témoignage.
Cela devient possible si la prose ne sert plus le symbole mais ranime le vécu, la mémoire dans son orchestration inconsciente.
C'est quelque chose de mystérieux et de grandiose, de dangereux et d'exaltant, une profusion de mots et d'idées s'échappent, une substance qui drogue l'esprit.
C'est une manière de connaître la réalité personnelle sans détournement. Ce sont quelques cris, quelques mouvements de la conscience que les moutons ne partageront pas, ne partageront jamais parce que c'est quelque chose d'au-delà du mot, de la prose, de la littérature, c'est quelque chose qui se développe en dehors du symbole qui y prend racine pour ensuite pénétrer l'inconscient. Il faut donc s'ouvrir à l'évocation, à l'expression lyrique.
C'est un ensemble de sensations, d'actions, quelque chose qui anime la vie et que chacun transporte avec lui quand il franchi le seuil. Tout est possible mais tout n'est pas utile. Pourtant c'est dans le mot qu'il faut chercher l'histoire de l'aventure intérieure. Nous pouvons tous créer cette oeuvre qui se sert de la littérature pour nier la littérature et sa limite, qui sert la réalité personnel et permet la survie.
Le philosophe est en nous, allons donc dans l'esprit pour accoucher de l'écrit, de la prose. Le poète guerrier extermine les cerveaux pour mieux en dénoncer les incompétences, son souhait est de s'affronter avec l'esprit. Le poète chirurgien opère et dévoile le système de croyances, il opère avec la permission exclusive.
Ressuscitons les cerveaux endormis qui abritent l'esprit vaporeux et fainéant. Réveillons les par la gloire du style ancestral, le style du verbe.
L'écriture est une lecture autre de soi-même. La lecture est une écriture mentale et émotionnelle. Lire et écrire sont deux voies sur le même seuil, le seuil de l'univers mental. Allons donc dans l'art pour devenir géniaux ou fous.