Elle suppose que ce que l'on a observé doit être "mis en scène" pour être re-décrit dans son mouvement. C'est une construction des modèles que l'on copie. Cependant, il est difficile de rendre compte d'un tel phénomène; n'étant pas des robots, on ne peut dupliquer de manière parfaite ce qui a déjà été vécu.
L'expression "mise en scène" est à l'origine un terme de théâtre. La mise en scène est une procédure permettant d'agencer d'une manière cohérente une future représentation théâtrale. En ethnométhodologie, le terme agencement est nécessaire pour rendre compte d'un acte, de manière cohérente.
Le mot représentation a également son importance, puisque c'est elle qui permet l'élaboration symbolique et intelligible par tous par rapport à quelque chose qui a été vécu.
Dans une pièce de théâtre, les acteurs jouent. Ils vivent réellement leur jeu d'acteur, mais ce n'est qu'une restitution (de l'imaginaire de quelqu'un, d'un message, d'une description d'un aspect social...selon le type de théâtre).
Dans sa démarche, l'ethnométhodologie, de même, refusant toute réification se positionne, selon moi, dans une optique théâtrale, non pas d'une manière péjorative, mais dans le sens où toute action pratique n'est pas détachée de la représentation que chaque acteur a de ce qu'il vit.
Les axiomes ethnométhodologiques ne sont pas sans rapport avec le modèle holographique. On peut définir l'holographie comme un système pouvant donner l'illusion qu'une photographie, donc en deux dimensions, peut en avoir trois.
Pour la théorie holographique, la partie contient le tout et réciproquement. De même, les différents axiomes de l'ethnométhodologie se contiennent les uns les autres. Chaque concept est contenant des autres, et contenus dans les autres.
Ce n'est peut-être pas par hasard si ces deux théories ont pris naissance à la même époque. Cela supposerait qu'il y aurait l'émergence d'une même pensée, dans plusieurs domaines différents.
Je l'associe, par exemple, à la découverte des rayons X et celle de la psychanalyse, la même année, en 1895. Ces deux découvertes concernent l'intériorité, l'une physique, l'autre psychique. Peut-être, n'y a-t-il pas de conclusions à en tirer, uniquement une constatation.
Le support de l'oeuvre dans un certain type d'art, est la concrétisation dans une matérialité d'une émotion interne. Cela serait le prolongement d'une frontière entre l'intérieur et l'extérieur. Même métaphoriquement, l'écorché vif est celui qui n'a pas de matière pour différencier l'intériorité de l'extériorité. Par le biais de la création, il élabore une frontière qui lui permet de ne pas perdre son identité, de ne pas se perdre dans la déstructuration, l'angoisse de morcellement. Le corps anamorphosé de l'art dada et surréaliste ne renverrait-il pas à cette angoisse archaïque de distorsion qui interroge la frontière entre l'extérieur et l'intérieur ?
Ce qui joue dans cette problématique est peut-être la situation paradoxale du sujet qui se positionne comme frontière entre le dedans et le dehors dans l'élaboration de son identité. Il est à l'interface entre deux espaces. Pour penser l'intériorité, il est obligé de la mettre en représentation donc dans l'extériorité. Cependant, il doit par ailleurs intégrer des éléments de connaissance venant du dehors.
Projeter des distorsions ou des schémas internes dans l'art, ne serait-il pas une interrogation sur la frontière qui délimite les deux espaces et sa situation paradoxale ?