QUESTION 8 ("Accountabilités" successives)

On considère un univers U et des "accountabilités" successives de cet univers, c'est à dire une famille de représentations de cet univers U. (Le mot "accountabilité" est un néologisme reprenant un usage de Louis Quéré, avec en sus francisation de l'écriture pour donner acte de l'existence d'un mot réellement nouveau).

C'est au pluriel que l'Ethnornéthodologie parle de ces représentations ; car même pour un seul "sujet connaissant" et pour une période relativement courte, il y a évolutivité dans la manière de se raconter le monde. Sitôt par exemple que s'effectue une opération de révision conceptuelle de type ( X=/=X --> X1=/=X2 ). Il y a changement du système de représentation, donc passage d'une "accountabilité" par exemple A(n,i) à une "accountabilité" suivante A(n,i+1).

On dira qu'une famille d' "accountabilités" est une "ethnologie". Et l'on voit qu'une ethnologie Eth(n) quelconque est ainsi une vaste collection de A(n,i), c'est à dire une vaste collection de sous-parties de l'univers U (car une représentation est une réduction d'univers, donc une partie d'univers)

On désire maintenant définir :

 ..un prédicat logique "PARADOXALP" permettant decaractériser la situation d'un sous-univers A(n,i) qui est paradoxal dans un mode X=/=X, c'est à dire contradictoire avec lui même. L'expression PARADOXALP ( A(n,i) ) exprimera alors directement l'affirmation de la chose ;

..et un prédicat logique "INDEXICALP" permettant de caractériser la situation d'une ethnologie Eth(n) dont toutes les "accountabilités" A(n,i) sont paradoxales. L'expression INDEXICALP (Eth(n)) exprimera alors directement l'affirmation de la chose.

Le second de ces prédicats, INDEXICALP (Etn(n)), se définira évidemment de manière simple à partir du premier par une équivalence  <===> à l'expression :

Il reste donc à définir le premier, PARADOXALP (A(n,i)), ce que l'on pourra faire par équivalence <===> aussi une expression, celle-ci étant :

En effet cette dernière expression affirme simplement qu'il existe dans l' "accountabilité" A(n,i ) au moins une entité conceptuelle X et au moins un enchaînement F de représentations de factualités tels que F conduit à la contradiction F ==> (X =/= X) .

On demande :

.. Premièrement de montrer que l'on peut expliciter par la formule :
 V Eth(n) INDEXICALP Eth la thèse "Garfinkelienne" selon laquelle le travail de substitution des expressions indexicales par des expressions objectives est une tâche infinie qui n'atteint en termes de globalité jamais son but.

.. Secondement d'essayer de montrer que cette thèse représente une ligne de démarcation tout à fait critique entre la philosophie de la contradiction chez Hegel (des contradictions X =/= X à l'infini) et la philosophie de la contradiction chez Marx (espoir d'une société sans classes et sans contradictions).

..Troisièment de construire un prédicat HEGELP(U) exprimant une propriété d'univers ; et tel que l'affirmation de ce prédicat pour un univers quelconque donné U équivaudra à affirmer que toutes les ethnologies (existantes ou potentielles) relatives à cet univers U satisfont au prédicat INDEXICALP.

..Quatrièment d'expliciter complètement (c'est à dire en remplaçant tous les prédicats par leurs valeurs) dans une formule totalement développée, la thèse
V Eth(n) INDEXICALP Eth(n) ainsi que le prédicat HEGELP(U).


REPONSE à la question 8.

Premier point : Eth(n) INDEXICALP Eth(n) équivaut bien à affirmer que le travail de substitution des expressions indexicales par des expressions objectives est, dans un univers U donné, une tâche infinie. Car toute résolution de contradiction de type "X =/= X" rencontrée dans une "accountabilité" A(n,i) implique une redéfition de X par création de X1 et X2 par exemple au moins, ce qui fait que l'on change de représentation et que l'on passe dans une autre "accountabilité" A(n,j). On crie éventuellement victoire à propos de X =/= X. Mais il se révèlera tôt ou elle aussi.

Troisième point : la thèse V Eth(n) INDEXICALP Ethn équivaut exactement à HEGELP (U), tel que défini dans la question posée.

Second point : Dans "Horizons, Trajets marxistes en Anthropologie" (Maspero 1977), Maurice Godelier procède à une comparaison détaillée des dialectiques de Hegel et Marx, rappelant qu'elles sont en opposition radicale l'une avec l'autre. Nous renvoyons à cette discussion, dont on retiendra seulement ici la connexité avec la quesion des indexicalités, qui sont en effet génératrices de paradoxes de type X =/= X, c'est à dire donc génératrices de ces fameuses "contradictions" qui occupent une position centrale dans les systèmes de pensée tant de Hegel que de Marx. Hegel avait selon nous le mérite de ne pas proposer d'oeuvrer pratiquement et prioritairement en vue de la résolution des contradictions du monde, posant en cette matière, (comme l'Ethnométhodologie le fait aujourd'hui elle aussi), un principe de "laisser faire". Il y a, dit Hegel identité des contraires (identité dont l'Ethnométhodologie prend acte en les rassemblant chaque fois dans une même "accountabilité").