L’indexicalité est une notion tirée de la linguistique, le déictique[1] tel que « ici » et « maintenant ». Elle renvoie au contexte, que je définirai plus tard. Chaque production langagière peut être interprétée différemment. Ce peut être une variation syntaxique libre ou liée. Chaque entité prise isolément donne un sens différent à la lisibilité des phrases. Il en va de même pour les actions, à qui l’ethnométhodologie a étendu le caractère que l’on pouvait observer dans le langage. Tous les effets, toutes les productions, tous les actes ont une cause qui infère sur le vécu, la réalité conventionnelle partagée par un groupe ou une réalité intérieure.

L’exemple du pont que nous faisait dessiner Monsieur Yves Lecerf en est la meilleure illustration. Le pont peut avoir une arche ou deux. Il peut être grand ou petit. Et pourtant cela reste un pont. Cette indexicalité du pont renvoie toujours à un pont qui est propre à l’individu qui le produit. Les schèmes de référence dépendent bien d’une notion vague inférant sur un axe ; que l’on peut comparer à l’axe paradigmatique du langage. Elle est donc plus étendue que la notion linguistique de déictique, mais fait appel aux mêmes processus de pensée et d’analyse.

L’indexicalité fait appel aux référents de son propre vécu. Elle dépend de l’instant présent et passé c’est-à-dire de l’historicité de la personne. Deux situations peuvent être ressenties psychologiquement et intellectuellement différemment par chaque individu qui compose le groupe, ou qui participe à l’action de la situation.

L’indexicalité fait référence au lexique. La lexicographie propre à chaque individu lui appartient. Or c’est en puisant dans ses souvenirs et sa compétence que celui-ci peut assimiler une action indexicale. L’exemple le plus frappant est celui de la loi et de ses contrevenants. L’ordre établit un code de conduite que l’on dit normal pour un individu normé, c’est-à-dire obéissant à certaines règles. L’individu peut par sa volonté délibérée ou non-délibérée, n’être plus en adéquation avec la norme. Il est dit responsable si sa santé mentale le lui permet, et donc responsable devant ses congénères. Pourtant la portée de son acte délictueux n’a pas le même ressenti chez lui. La société lui rappelle la norme, quitte à le punir. Le propre du législateur étant de codifier ce qui est et ce qui doit être.

L’indexicalité lexicographique appartient à l’ensemble d’un groupe Chaque entité lexicographique est partagée par un ensemble d’individus. Ce sont les sabirs, les jargons techniques, les idiomes. On peut dire que l’ensemble des gens qui parle le français forment un groupe, une ethnie-linguistique. La communauté partageant le code qui lui est propre, forme un groupe indexical pour les personnes qui ne sont pas membres. De même les expressions indexicales engendrent des allants-de-soi qui renvoient à l’indexicalité.

 « Des expressions vagues, ambiguës ou tronquées, sont identifiées par les membres qui leur donnent des significations contextuelles et transcontextuelles grâce au caractère rétrospectif prospectif que ces expressions décrivent»[2]

L’indexicalité est le propre de l’homme et de l’animal et non pas des machines. Un ordinateur ou un automate à état fini ne peut comprendre l’indexicalité, bien qu’ils y aient des recherches faites notamment dans la branche de la logique floue, qui permettent la non différenciation d’un état et qui renvoie l’acte « pour plus d’information » à une décision ultérieure. On peut imaginer fort bien que lorsque les modèles logiques d’apprentissage des bases de connaissances tel que l’architecture du tableau noir seront plus probants, la machine pourra reconnaître de petites indexicalités. Et prendre la décision dans son modèle de réponses, sans pour autant que soit toujours subordonnée la même réponse, puisque si la réponse était toujours équivalente il n’y aurait plus d’indexicalité mais une objectivation de la réponse. Dans la théorie des domaines qui est constituée de trois parties : le type de valeur , le nom du type et enfin la famille dont le type héritera comme comportement, on peut très bien imaginer une variation systémique de cette théorie mathématique du traitement de la connaissance, caractérisant non pas une famille mais N familles qui peuvent selon les cas induire une réponse différente.


1 [1]Déictique. adjectif et nom masculin du grec deiktikos (démonstratif). Linguistique : qui sert à désigner à montrer.
2 [2]Aaron Circourel, La sociologie cognitive, Paris , P.U.F 1979.