Qui peut le plus, peut le moins


 

« Un bonheur que rien n’a entamé succombe à la moindre atteinte ; mais quand on doit se battre contre les difficultés incessantes, on s’aguerrit dans l’épreuve, on résiste à n’importe quels maux, et même si l’on trébuche, on lutte encore à genoux. »
La vie heureuse (De vita beata ), Sénèque


 

Extrait du début du Discours de la Méthode, René Descartes.
« Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée; car chacun pense en être si bien pourvu que ceux même qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose n'ont point coutume d'en désirer plus qu'ils en ont. En quoi il n'est pas vraisemblable que tous se trompent; mais plutôt cela témoigne que la puissance de bien juger et distinguer le vrai d'avec le faux, qui est proprement ce qu'on nomme le bon sens ou la raison, est naturellement égale en tous les hommes; et ainsi que la diversité de nos opinions ne vient pas de ce que les uns sont plus raisonnables que les autres, mais seulement de ce que nous conduisons nos pensées par diverses voies, et ne considérons pas les mêmes choses. Car ce n'est pas assez d'avoir l'esprit bon, mais le principal est de l'appliquer bien. Les plus grandes âmes sont capables des plus grands vices aussi bien que des plus grandes vertus ; et ceux qui ne marchent que fort lentement peuvent avancer beaucoup davantage, s'ils suivent toujours le droit chemin, que ne font ceux qui courent et qui s'en éloignent.

Pour moi, je n'ai jamais présumé que mon esprit fût en rien plus parfait que ceux du commun ; même j'ai souvent souhaité d'avoir la pensée aussi prompte, ou l'imagination aussi nette et distincte, ou la mémoire aussi ample ou aussi présente, que quelques autres. Et je ne sache point de qualités que celles-ci qui servent à la perfection de l'esprit; car pour la raison, ou le sens, d'autant qu'elle est la seule chose qui nous rend hommes et nous distingue des bêtes, je veux croire qu'elle est tout entière en un chacun; et suivre en ceci l'opinion commune des philosophes, qui disent qu'il n'y a du plus et du moins qu'entre le s accidents, et non point entre les formes ou natures des individus d'une même espèce.»
 


 

« Dans les livres, vous pouvez apprendre beaucoup de choses sur la psychologie mais vous découvrirez vite que cette psychologie ne sert pas à grand-chose dans la vie pratique. Toute personne chargée de s'occuper des problèmes de l'âme devrait posséder une certaine sagesse de la vie, reposant non seulement sur les mots mais surtout sur l'expérience. La psychologie telle que je la comprends n'est pas seulement un quantum de savoir, c'est aussi une connaissance de la vie. Si tant est que l'on puisse inculquer une telle connaissance, ce n'est possible qu'à partir d'une expérience personnelle de l'âme humaine et cette expérience ne peut être acquise que par un enseignement personnel, c'est-à-dire individuel, et non collectif. En Inde, la coutume veut depuis fort longtemps que toute personne quelque peu cultivée ait un gourou, un guide spirituel qui lui apprenne, et à elle seule, ce qu'elle doit savoir. Tout le monde ne doit pas savoir la même chose, et le savoir en question ne peut jamais être transmis à tous de la même façon. C'est là ce qui fait totalement défaut dans nos universités: la relation entre l'élève et le maître. Et c'est aussi ce dont devraient disposer tous ceux qui, comme vous, souhaitent recevoir une formation en psychologie. Toute personne se sentant une vocation pour guider les âmes devrait d'abord se laisser guider par sa propre âme afin d'apprendre ce que signifie la rencontre avec l'âme humaine. Connaître la face obscure de sa propre âme est la meilleure préparation qui soit pour savoir comment se comporter face aux parties obscures des autres âmes. La simple étude des livres ne vous servirait pas à grand-chose, bien que ce soit aussi indispensable. Ce qui vous aidera le plus, c'est de pénétrer personnellement dans le secret des âmes humaines. Sans cela tout ne sera toujours qu'artifice intellectuel ingénieux, paroles creuses et discours creux. Peut-être essayez-vous de comprendre ce que je veux dire dans mes livres; si vous avez un bon ami, essayez donc de regarder ce qui se trouve derrière sa façade afin de vous découvrir vous-même. Ce serait un bon début. »

C.G. Jung. Correspondance, 1941-1949 Tome 2