Analyse de séquence : cercle herméneutique


« Son silence et ses longs bras nous terrifiaient et en même temps nous rassuraient » Victor Surge


Note de l'indirection :
 
Quel est cet endroit ? Quel est ce lieu qui me désoriente et me transforme ? Pourquoi suis-je là à réfléchir sur ce que je suis en train de vivre ?

C'est un lieu où l'on découvre la fin des certitudes et l'envolée des incertitudes. Cette réalité complexe, si difficile à décrypter, qui reste balayée par les peurs, les tourmentes et les déraisons, où se mêlent les esprits vifs, les âmes apaisées, les consciences éclairées, les cerveaux limités. Un lieu qui peut être difficile à vivre, avec son lot de tragédies et de destinées brisées, où l'on entend les cris d'épouvantes de ceux qui ne veulent pas savoir et les gémissements de ceux qui en savent trop.

Les explications sont difficiles à cerner, il y a tant de choses à vivre et à comprendre. Cerner ses limitations personnelles, prendre conscience des incertitudes, et réfléchir sur les fondements de son savoir n'aide pas à résoudre les conflits des interprétations, même si le doute créatif devient le repère immuable des questionnements.

Au lieu d'analyser l'observateur, celui qui construit le sens, celui qui interagit et ajoute du sens, celui qui collabore avec les autres et qui anticipe les événements, celui qui sacrifie tout pour se rapprocher au plus près du mystère, ne vaudrait-il pas mieux plonger au plus profond pour saisir le vrai sujet au lieu de tourner autour ?

Mais quel est donc ce sujet que l'on n'arrive pas à analyser mais que l'on souhaite tout de même exploiter avec l'espoir de contourner l'incomplétude des représentations, et la volonté de saisir quelque chose d'impossible à décrire ?

Il y a une limite entre l'intention d'un créateur tel que l'observateur l'imagine et la progression de la compréhension qui n'est pas nécessairement fortuite. L'indiscernabilité des contextes, l'existence de références inaccessibles et incalculables, sont aussi l'occasion d'exprimer des choix dans la manière de ramener vers soi des éléments qui sont peut-être hors de portée mais que l'on ressent inconsciemment, des indices que l'on tente de révéler à sa propre conscience.

Ainsi tous ces morceaux éparpillés, tous les chemins, les calculs et les combinaisons relèvent autant sur le lieu de la rencontre que sur ceux qui sont censés y participer. La rencontre entre différentes perceptions et interprétations, l'observateur amène son vécu dans un lieu d'interactivité où un créateur propose des matériaux vécus et recomposés. Lui-même apporte sa contribution dans l'orchestration des événements à venir.

C'est ainsi que l'on peut qualifier ce spectacle vivant, l'observateur participe à un jeu, il est au centre de l'action avec son corps et son esprit, le corps devient un langage et l'esprit interprète les rôles. Tout le spectacle émerge de cette énergie collective. Une synergie apparaît pour relier les éléments disparates entre eux, chaque observateur devient lui-même acteur lorsqu'il s'engage dans un autre jeu qui le dépasse, vivant et jouant lui aussi de multiples rôles imbriqués. Ainsi va ce flux qui circule et qui n'est plus limité par les repères, à partir de soi pour s'intégrer à un univers étendu, pour revenir à soi dans la certitude d’une expérience collective.

C'est ce cheminement dans la découverte d'une réalité non ordinaire, avec cette communication dans des dialectes familiers à la découverte d'une nouvelle grammaire, avant de finalement aborder une langue étrangère. L'objectif s'il échappe encore à l'observateur, apparaît en filagramme tout au long d'un parcours avec des révélations qui éclairent la conscience et des confrontations qui écrasent la raison. La description ne se fait plus dans le langage d'origine mais dans une reconstruction à partir de ces autres langages que l'on pourra difficilement traduire.

L'observateur qui désire avancer dans la compréhension du mystère, a besoin d'affronter en permanence les changements de réalité, lorsque sa logique est bouleversée par les transformations des croyances et par la prise de conscience d'une évolution du sens. Cette  perception d'une réalité étendue ce fait par immersion progressive dans ces zones d'ombres qui dépassent l'imagination, pour toucher du doigt cet inconnu au-delà de l'entendement.




Commentaire du scénariste en grève :

Quelle tirade, on croit rêver ! Voilà que "le comité de rédaction de l'indirection" s'inquiète du sort des observateurs. A force d'influencer et de pénétrer les cerveaux, beaucoup sont perplexes et se posent des questions de plus en plus étranges. J'ai l'impression d'un déjà vu, tout n'est qu'un éternel recommencement, avec d'autres acteurs pour d'autres rôles.

Aparté pour le lecteur : oui pour toi là ! Ce n'est pas pour la personne sans nom qui est derrière toi, cette silhouette sans forme, cette ombre décolorée, mais je parle de toi, oui toi le lecteur ! Entends mon message, arrête toi de décrypter les codes secrets, d'explorer les champs mentaux, les réalités non ordinaires, les futurs non réalisés. Reviens plutôt sur terre pour un temps de respiration ! Le choix t'appartient, repose toi juste un moment, prépare toi à ressentir plus que de raison car ce qui vient sera difficile à raconter et à expliquer.


le rêve lucide

 

 

dans le rêve d'un autre

 

est un moyen pour se confronter à la réalité

 

 

même s'il faut pour cela briser les préjugés pour réunir de nouveaux indices

 

ou aboutir à une boucle itérative de l'interprétation

 

il est toujours temps de prendre du recul pour examiner les possibilités

 

 

lorsque ce que l'on croit devient le prolongement d'une autre réalité


Rorschach : "J'ai entendu une blague un jour : un homme va chez le toubib, dit qu'il est déprimé, la vie lui parait dure et cruelle. Il dit qu'il se sent tout seul dans un monde menaçant. Le toubib dit : « le remède est simple, le grand clown Paillasse est en ville. Allez le voir, ça vous remontera. » L'homme éclate en sanglots : « mais docteur, qu'il dit, je suis Paillasse. » Bonne blague, tout le monde rigole, roulements de tambour, rideau. Fondu au noir"

Rorschach : "Heard a joke once : Man goes to doctor. Says he's depressed. Says life seems harsh and cruel. Says he feels all alone in a threatening world where what lies ahead is vague and uncertain. Doctor says « Treatment is simple. Great clown Pagliacci is in town tonight. Go and see him. That should pick you up. » Man bursts into tears. Says « But, doctor...I am Pagliacci.» Good joke. Everybody laugh. Roll on snare drum. Curtains. Fade to black."