PARTIE 3

Citations de HERMAN HESSE


Le poète lyrique tel que je le vois ou tel que je l'ai vécu en moi-même ne s'efforce pas seulement quand il compose d'exprimer du mieux possible ses pensées ou ses sentiments avec les moyens qui sont les siens. Tandis qu'il fait cela, il lui parvient des profondeurs de la langue, de ces forces mythiques et magiques, sonores et rythmiques, plastiques et évocatoires, quelque chose qui n'est pas de lui, mais qui l'aide et qui, en même temps l’entraîne souvent loin de ce qu'il a voulu. Son outil, la langue, n'est pas seulement un outil, n'est pas mort, mais est une puissance créatrice, moins raisonnable mais bien plus forte que le poète. Lorsqu'il écrit un mot avec lequel il pense n'exprimer que quelque chose de limité, de subjectif, ce mot lui envoie souvent un avertissement, un flot d'associations acoustiques, optiques, sentimentales qui le conduisent ailleurs que là où il avait décidé de se rendre. Le poème finalement écrit est, à la différence d'un texte rationnel, quelque chose d'unique, qui ne peut se répéter, qui n'est jamais tout à fait ce qu'avait voulu l'auteur et c'est justement cela, sciemment ou  non, que l'on aime en lui. (Lettres inédites)

Les bons poèmes ne sont jamais écrits dans un but déterminés. (Lettres inédites)

En fin de compte, le jugement humain l'emporte toujours sur le jugement esthétique. Car nous ne pardonnons pas aisément au talent qui s'égare, tandis que nous pardonnons bien des fautes de forme évidentes à l'oeuvre qui a valeur humaine. (Textes sur la littérature)

Vivre dans le monde comme s'il n'était pas le monde, observer la loi en restant au-dessus d'elle, posséder comme si l'on ne possédait pas, renoncer, toutes ces exigences souvent exprimées d'une sagesse de vie supérieure, seul l'humour est capable de le réaliser. (Le loup de steppes)

Quoi que les humoristes écrivent, les thèmes qu'ils empruntent et les titres qu'ils donnent à leur oeuvre ne sont que des prétextes. Ils n'ont tous et toujours qu'un seul thème : la singulière tristesse et la chierie de la vie humaine et l'étonnement de ce que cette vie si misérable puisse être cependant si précieuse et si belle. (Le voyage à Nuremberg)

Le tragique et l'humour ne sont pas en contradiction, ou plutôt ils ne se contredisent que parce que celui-là exige si inexorablement celui-ci. (Le voyage à Nuremberg)

Tout humour supérieur commence par le fait de ne plus se prendre soi-même au sérieux. (Le loup des steppes)

La gaieté n'est ni légèreté, ni complaisance envers soi-même, mais le plus haut degré de la connaissance et de l'amour, c'est l'approbation donnée à toute réalité, la lucidité au bord de tous les abîmes. C'est le secret du beau et la véritable substance de tout art. (Le jeu des perles de verres)

Le bonheur, c'est comment et non quoi, un talent et non un objet. (Recueil de lettres ; vol I)

Pouvoir s'avilir pour un instant, sacrifier des années au sourire d'une femme, c'est le bonheur. (Les récits)

Le beau tire une partie de son charme de sa nature éphémère. (Proses et feuilletons posthumes)

Le bonheur c'est l'amour, rien d'autre. Qui peut aimer est heureux. (Proses et feuilletons posthumes)

Mon bonheur avait le même secret que le bonheur des rêves ; il consistait dans la liberté de vivre en même temps tout ce qu'on pouvait imaginer, d’échanger par jeu le dedans et le dehors, de repousser le temps et l'espace comme des cloisons coulissantes. (Le voyage en orient)

La grande valeur que l'on attribue aux minutes, la hâte comme motif le plus important de notre mode de vie, est sans aucun doute l'ennemi le plus dangereux de la joie. Le plus possible le plus vite possible, tel est le mot d'ordre. Il suit de là : toujours plus de plaisir et toujours moins de joie. (Proses et feuilletons posthumes)

Il n'y a de bonheur que si nous demandons rien à demain et si nous acceptons avec gratitude ce que nous apporte aujourd'hui ; l'heure miraculeuse finira toujours par revenir. (Lettres inédites)

Le paradis n'est reconnu comme tel que lorsqu'on en a été chassé. (Critiques posthumes)

Dans ce qu'il y a de plus beau, on éprouve toujours, en plus du plaisir, une tristesse ou une angoisse. (Knulp)

Ce qu'il y a de beau dans la joie, c'est qu'elle vienne sans qu'on l'ait méritée et qu'elle ne s'obtienne jamais pour de l'argent. (Livre d'images)

Où des chemins amis se croisent, le monde entier semble pour un instant le pays natal. (Demian)

On ne peut posséder le bonheur que tant qu'on ne l’aperçoit pas. (Souvenirs)

Lorsqu'un rayon de soleil tombe d'un ciel couvert dans une sombre ruelle, qu'importe ce qu'il touche : un tesson de bouteille sur le sol, une affiche  déchirée sur un mur, ou les cheveux blonds d'un enfant : il apporte de la lumière, il apporte de la magie, il transporte, il transfigure. (Textes sur la littérature ; vol II)

Il apparaît que l'amour et la connaissance sont presque une même chose et que les gens que l'on aime le plus sont aussi ceux que l'on connaît le mieux. (Textes sur la littérature ; vol I)

Pouvoir aimer quelque chose, quel prodigieux moyen de salut ! (Les récits)

L'imagination et la capacité de sentir comme autrui ne sont pas autres chose que des formes de l'amour. (Lettres inédites)

Nous autres jeunes gens devons nous défendre afin de ne pas sombrer. Des lois et de bons préceptes ne suffisent pas à nous aider. Il nous faut avant tout aimer, sentir notre âme ardente ; nous ne voulons pas démolir le monde, mais seulement briser les chaînes que nous nous sommes forgées à nous-mêmes. (Proses et feuilletons)

La vie n'acquiert de sens que par l'amour. C'est à dire plus nous aimons, plus nous sommes capables du don de nous-mêmes, et plus le sens de notre vie s'enrichit. (Lettres choisies)

Il reste toujours entre les êtres humains, si liés soient-ils, un abîme ouvert que seul l'amour peut franchir, et encore en utilisant un sentier de fortune. (Knulp)

La sincérité est une bonne chose, mais elle n'a de valeur sans l'amour. L'amour, c'est toute supériorité, toute faculté de comprendre, toute faculté de sourire dans la douleur. (Guerre et paix)

Ce n'est pas un bonheur que d'être aimé. Chaque homme s'aime lui-même, mais aimer, c'est là le bonheur. (Les récits)

L'amour ne doit ni demander, ni exiger. L'amour doit avoir la force de trouver sa certitude en lui-même. Alors il n'est pas entraîné, il entraîne. (Demian)

Sans personnalité, il n'y a pas d'amour, du moins pas d'amour profond et véritable. (Lettres inédites)

Presque tout ce que l'on fait dans la vie, même si on allègue d'autres motifs, est à cause des femmes. (Proses et feuilletons posthumes)

Il n'est rien de plus voué à l’échec que la réflexion sur quelqu'un que l'on aime. Ce genre de pensée ressemble à ces chansons populaires ou chansons de marche où passent des milliers de choses mais où le refrain revient obstinément, même là où il n'a que faire. (Peter Camenzind)

Il en va de même que pour l'art : qui peut aimer un peu ce qu'il y a de plus grand est plus pauvre et moindre que celui qui peut s'enflammer pour ce qu'il y a de plus petit. (Textes sur la littérature ; vol I)

On peut tout imiter, tout falsifier en ce monde, sauf l'amour. On ne peut voler l'amour ni le feindre, il n'habite que dans le coeur qui sait se donner tout entier. C'est là la source de tout art. (Critiques posthumes)

Sans l'amour de soi-même, celui du prochain est impossible. C'est pareil pour la haine de soi qui produit finalement le même isolement sinistre, le même désespoir que l’égoïsme cru. (Le loup des steppes)

On subit l'amour, mais plus on s'y abandonne et plus il nous rend forts. (Lettres inédites)

A de certains moments, nous sommes capables de pénétrer le secret de l'unité, mais notre capacité d'aimer repose sur notre faculté d’apprécier les choses de façon subjective, sans quoi il n'est pas d'art, ni d'amour. (Lettres choisies)

Chaque homme est digne d'amour s'il s'exprime réellement. (Critiques posthumes)

La contemplation n'est pas recherche ni critique, elle n'est qu'amour. Elle est l’état le plus haut et le plus désirable de notre âme : un amour sans convoitise. (Considérations)

A gagné celui qui peut aimer, subir et pardonner, non celui qui sait tout mieux que personne et condamne. (Lettres inédites)

Toutes les fois que nous pouvons rendre un homme plus heureux et plus gai, nous devrions le faire. (Le jeu des perles de verres)