Cinéma et réalités alternatives : les masques de l'illusion
 
Cinéma et réalités alternatives : les masques de l'illusion
Réalités alternatives et consciences immergées dans des univers transitoires.

Mel Vadeker; 2003-2004 (texte en construction)

Un sujet qui a toujours fasciné les auteurs de science fiction et les philosophes. Le monde que nous vivons constitue t-il une réalité unique et fondamentale ? Vivons-nous dans un seul monde ou sommes nous immergés dans une multitudes d'univers ? La réalité est-elle le produit d'une gigantesque fonction génératrice d'illusions qui se propage en touchant les univers de la conscience et en favorisant l'émergence de réalités alternatives ?

Même le cinéma n'a pas échappé à ce phénomène culturel. On pourrait même parler d'un recyclage d'idées philosophiques sur les thèmes de la subjectivité, de l'intentionnalité, de la cognition, de l'apprentissage et des problèmes de perceptions. J'ai deja abordé ce sujet avec l'exemple de Matrix dans un courrier des lecteurs, c'etait une étude portant sur la virtualité du corps et l'immersion de la conscience et de ses représentations dans le cyberespace.

De nombreux auteurs ont popularisé ces notions. Philip K. Dick et William Gibson, auteurs de science-fiction prolifiques, ont tous deux inspirés de nombreux films et adaptations.

Dans un autre registre, David Cronenberg cinéaste de genre, s'est efforcé tout le long de son oeuvre, de jouer sur les modifications corporelles et psychiques. Il parvient à sortir le cinéma fantastique et d'anticipation de son cloisonnement pour aborder dans une dimension philosophique de la narration. Pour lui la mise en scène sert à la fois un jeu d'écriture et une mise en condition psychologique du spectateur. Nous retrouvons chez lui les mêmes thèmes, la  fusion entre les états de conscience, l'altération des perceptions induites par des altérations organiques et psychiques, la décomposition et la recomposition des représentations mentales de soi. David Lynch a lui aussi inventé des procédés similaires pour faire passer une vision personnelle.

Bien avant Matrix, nous avions des films comme Total Recall ( 1990, Paul Verhoeven), Dark City (1998, Alex Proyas), eXistenZ (1999 David Cronenberg ), et de nombreux autres que je cite ci dessous à tire de références. Ces oeuvres ont développé ces notions que l'on retrouve à profusion dans la trilogie Matrix (1999-2003, Wachowski Brothers)

Durant l'année 2003, j'ai remarqué une multiplicité de sujets concurrents, développés pour mettre en scène les rouages de la manipulation, la duplicité, la trahison. Les identités deviennent floues, instables, polymorphes et la mise en scène un exercice de style d'emprise sur le spectateur. Voici quelques films marquants :
Cypher : pour la sphère de l'espionnage économique et industriel
Basic : pour le domaine militaire et des opérations spéciales
The Recruit : pour le monde du renseignement et du contre espionnage

Est-ce le signe du recyclage industriel de problèmes philosophiques par l'industrie du cinéma ? Cela serait intéressant si ce genre de films mettaient aussi en évidence cette autocritique de l'oeuvre elle même. Le rêve ultime du cinéaste, une histoire qui prend forme par une interaction subtile entre le support et les perceptions altérées du spectateur. Cette alchimie crée un support intangible, une oeuvre hors norme et en quelque sorte hors support qui continue sa propre vie en tant que phénomène culturel.  Une autre étape de la manipulation finale avec pour mot d'ordre "le film que vous voyez est la première marche vers la brouillage des perceptions".
The Blair Witch Project, 1999 (qui rend hommage à Canibal Holocaust)
Les documentaires fictions/realités comme "Opération Lune" (2002, William Karel) et "Les documents interdits" (Jean-Teddy Filippe) tous les deux diffusés à la télévision.

Finalement nous nous retrouvons devant un credo à la mode, "bienvenue dans un monde d'illusions !". Ce qui nous environne, ce qui constitue notre réalité est instable. Notre vision dépend de nos capacités à contrôler nos perceptions ou à les ajuster. Nous ne sommes plus à l'abri de marionnettistes, une réalité peut en cacher une autre, nous sommes tous victimes des apparences. Le monde se recompose sans cesse par l'effet de nos propres actions et la somme de toutes ces illusions constituent peut être l'image d'un monde de plus en plus incertain.

Quelques références cinématographiques

La subjectivité, l'autoréférence et la déstructuration comme trame narrative :
Memento (2000, Christopher Nolan)
In the Mouth of Madness (1995, John Carpenter)
Fight Club (1999, David Fincher)
Jacob's Ladder (1990, Adrian Lyne)
Angel Heart (1987, Alan Parker)
Adaptation (2002, Spike Jonze)
eXistenZ (1999, David Cronenberg)
Lost Highway (1997, David Lynch)

Réalité virtuelle, personnalités multiples :
Total Recall ( 1990, Paul Verhoeven)
Matrix I, II, III (1999-2003, Wachowski Brothers)
The Sixth Sense (1999, M. Night Shyamalan)
Vanilla Sky (2001, Cameron Crowe)
The Others (2001, Alejandro Amenábar)
Solaris (2002, Steven Soderbergh)

La manipulation des perceptions :
Nueve Reinas (Les 9 Reines) (2000, Fabián Bielinskyà)
Cypher (2002, Vincenzo Natali)
The recruit (2003, Roger Donaldson)

Le point de vue des différentes protagonistes et l'intentionnalité :
Rashômon (1950, Kurosawa) est souvent considéré comme la réference du genre
12 Angry Men (1957, Sidney Lumet )
Basic (2003, John McTiernan)
The Rules of Attraction (2002, Roger Avary)

Destins parallèles et manipulation spatio-temporelle :
Donnie Darko (2001, Richard Kelly),
The butterfly effect (2004, Eric Bresse & J. Mackye Gruber)
Twelve Monkeys (1995, Terry Gilliam)

Subjectivité et vision psychopathologique du monde :
Identity (2003, James Mangold)
Dédales (2003, René Manzor)